Et pourtant le portage salarial qui concerne entre 30 000 et 50 000 personnes reste régi par un encadrement très chaotique avec un accord collectif litigieux, un arrêté d’extension excluant la conclusion d’un CDD de portage et une déclaration d’inconstitutionnalité visant la disposition de la loi du 25 juin 2008 (paragraphe III article 8) qui confiait aux partenaires sociaux le soin de fixer les règles relatives au portage salarial au motif qu’elles relèvent de la compétence du législateur.
Il est utile de souligner que FO a refusé de signer l’accord du 24 juin 2010 organisant l’activité de portage salarial car ce texte emportait trop de risques pour le droit commun du contrat de travail sans prévoir les garanties nécessaires pour les salariés portés. FO-Cadres avait dans un communiqué du 10 juin 2010, qualifié la création d’un CDI spécifique à l’activité de portage de « CDI light » en ce qu’il consacre plus de précarité qu’il n’accorde de droits !
Dans le prolongement, la Confédération FO et la FEC FO ont déposé un recours devant le Conseil d’Etat contre l’arrêté d’extension du 24 mai 2013, ainsi qu’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) qui a été transmise au Conseil constitutionnel. Une action qui visait à une meilleure prise en compte par le législateur de la situation des salariés liés par un contrat de portage salarial. En effet, l’activité hybride du portage salarial, à mi-chemin entre le salariat et le travail indépendant, méritait mieux qu’un encadrement au rabais et un accord dangereux.
En donnant raison à notre organisation, la juridiction constitutionnelle a par sa décision du 11 avril 2014 imposé au législateur de déterminer a minima les conditions essentielles de l’exercice du portage salarial défini à l’article L1251-64 du Code du travail et les principes applicables à la personne portée, à l’entreprise de portage et à l’entreprise cliente.
La loi du 22 décembre 2014 a ainsi confié au gouvernement la réglementation par ordonnance de l’activité de portage salarial. Les conditions essentielles du portage salarial doivent ainsi comprendre la définition des conditions d’exercice de l’activité d’entreprise de portage salarial et des conditions de recours au portage, incluant les différents types de contrats de travail, leurs caractéristiques, les conditions d’emploi et de travail des salariés portés et l’indication des garanties qui leur sont applicables.
D’ici au 21 septembre 2015, un choix s’offre au gouvernement : soit il se contente de reprendre le contenu de l’accord de 2010 sans en changer la moindre virgule, soit il prévoit un régime juridique permettant de sécuriser la situation des salariés portés en apportant les garanties nécessaires à leur spécificité. Il en va ainsi de l’exclusion de toute relation de travail à durée indéterminée inadaptée à la situation de portage, au profit notamment de la conclusion du CDD à objet défini qui par ailleurs a été pérennisé par cette même loi de décembre 2014 !
FO-Cadres sera ici particulièrement vigilant et souligne l’importance du respect des règles fondamentales du droit du travail, à l’image d’un arrêt récent de la Cour de cassation du 4 février 2015 qui rappelle qu’en sa qualité d’employeur, la société de portage ne peut licencier un salarié porté au motif qu’il est sans activité à l’issue d’une mission et ce quand bien même son contrat comporterait une clause d’objectifs l’engageant à trouver de nouvelles missions auprès des clients !
Pour en savoir plus :
Encadrement du portage salarial : Le conseil constitutionnel confirme la position de FO
Portage salarial : FO s'oppose à la création d'un CDI hors du droit commun
Accord sur le portage salarial : L'IGAS refuse son extension