Car depuis 2006, 75% salariés français déclarent être concernés par le stress et, selon la Sofres, 75% des cadres qui ont une charge de travail excessive disent qu'elle est permanente pendant l'année.



Stress et anxiété définissent le travail des salariés aujourd'hui


Une étude sur la santé au travail menée pendant deux ans par un réseau de médecins du travail dresse un portait accablant des risques psychosociaux provoqués par le travail. D'après les résultats provisoires de cette enquête, 37% des femmes et 24% des hommes souffrent d'un mal-être profond. Un mal-être qui se caractérise par de l'anxiété, des symptômes dépressifs, des troubles du sommeil et des relations sociales.


Les résultats révèlent que ces troubles de santé sont avant tout liés à l'organisation du travail et au mode de management. En effet, des horaires de travail atypique, une faible latitude décisionnelle ou un faible soutien social sont selon eux des facteurs de risques psychosociaux. De plus, certains secteurs génèrent beaucoup plus de troubles de santé que d'autres. Ainsi, sans surprise, les secteurs banquiers et financiers sont ceux qui concentrent la part la plus élevée de salariés manifestant des symptômes « dépressifs ou anxieux ». Une étude de l'IFAS avait déjà montré que chaque entreprise possède des populations « sur stressées » qui lui est propre. Plus les rythmes de travail sont cadencés et plus le nombre de salariés « sur-stressés » augmente.


Concernant les cadres, ils ne sont pas en reste. 70% d'entre eux sont surexposés à un facteur aggravant de risques psychosociaux : la forte demande psychologique (Fig. 1). Le fait de devoir se « surinvestir » au travail ou encore d'accomplir des tâches contraire à leur conscience professionnelle serait ainsi une des causes principales de stress chez les cadres.



Manque de reconnaissance : principal mal-être au travail


La souffrance au travail survient lorsqu'un individu n'a pas les ressources nécessaires pour mener à bien ses fonctions. Mais cette souffrance survient aussi lorsque les efforts entretenus ne sont pas considérés à leur juste valeur. Toujours d'après l'étude menée par les médecins du travail les salariés qui ressentent un décalage entre leur investissement au travail et la reconnaissance de celui-ci sont presque trois fois plus nombreux à ressentir un stress accru. Les entreprises s'attachent tant aux résultats qu'elles se sont totalement désintéressées du travail effectif des cadres. Les efforts fournis ne sont mesurés qu'à l'aune des tableaux de bords et autre reporting qu'ils remplissent quotidiennement.


Cette mesure virtuelle du travail efface totalement la dimension humaine de l'investissement au travail. Pourtant, dans le même temps, il est demandé aux cadres de faire preuve d'un engagement fort vis à vis de l'entreprise. Ce décalage entre leur fort investissement et la faible reconnaissance de la part des employeurs a des effets dévastateurs sur le monde du travail.



Le désengagement croissant des cadres : une conséquence inéluctable de la souffrance au travail


Les cadres sont aujourd'hui frappés d'un mal-être profond qui entraine un désengagement croissant de leur part. De plus en plus fréquemment, on voit des cadres refuser une promotion ou une prise de responsabilité afin d'éviter un stress et des pressions trop fortes. On note aussi beaucoup plus de démission et de reconversions brutales par manque de reconnaissance ou par perte de sens et de valeurs au travail. Les cadres font preuve d'une méfiance généralisée envers les discours managériaux.



Un modèle managérial en désuétude


Le management par la pression a donc atteint ses limites. Depuis toujours, le patronat prétend que cette pression est nécessaire pour maintenir la compétitivité du pays jusqu'à ce que les conditions économiques globales soient plus favorables. Aujourd'hui, les conditions économiques ne se sont pas améliorées et se sont plutôt dégradées. Aussi, la crise risque d'être un prétexte pour renforcer ce modèle managérial qui s'est révélé jusqu'à présent contre-productif.


Pourtant, on constate déjà, dans la métallurgie notamment, une volonté de renforcer ce modèle. Par exemple, au nom de la solidarité, les cadres et les ingénieurs de Renault seront dès 2009 obligés de renoncer à une partie de leur jours de RTT afin d'indemniser le chômage partiel du personnel de production. Cette initiative, qui s'accompagne d'une faible participation financière de l'entreprise, aura surtout le mérite de faire travailler les cadres encore plus, tout en gagnant moins. Encore une fois, il est demandé aux cadres de s'engager fortement pour l'entreprise tout en acceptant une dégradation sans fin de leur salaire et de leurs conditions de travail.



En temps de crise il est plus qu'urgent de garder la confiance des salariés


Face à l'ampleur de la crise, les employeurs mettent tout en oeuvre pour restaurer la confiance des actionnaires. Mais il devraient employer tout autant d'énergie pour rassurer les salariés en général et les cadres en particulier.


Les cadres sont censés être au coeur du processus d'innovation et de décision. Leur engagement professionnel ne pourra pas se faire éternellement sans contreparties et au prix d'une pression toujours grandissante. Un salaire en adéquation avec la qualité de leur travail est donc une première étape indispensable. De même, les entreprises doivent une fois pour toute prendre en compte l'équilibre entre vies privée et professionnelle.


Même si l'on ne raisonne qu'en terme de coûts, l'usure psychique et le désengagement des cadres engendrés par le stress et la pression font perdre beaucoup plus d'argent aux employeurs que si ceux-ci avaient mis en place une réelle politique d'allègement du temps de travail. Le stress au travail est tout de même responsable de 50% à 60% de l'absentéisme au travail et de 30% des arrêts maladies ( OMS 2007 ). Il coûtent entre 0,8 et 1,6 milliards d'euros par an.