Les salariés dont le temps de travail n'est pas mesuré en heures sont souvent exclus des expérimentations de la semaine de quatre jours. Cependant, LDLC a décidé d'inclure les cadres au forfait dans cette nouvelle politique. Qu'ils soient dirigeants ou manageurs de proximité, ils ont donc eux aussi été associés à ce nouveau mode d’organisation. 

Le fondateur de l'entreprise, Laurent de la Clergerie, explique que cette décision était motivée par le désir de ne laisser personne de côté. Ainsi, depuis janvier 2021, tous les salariés de l’entreprise travaillent sur une base de 32 heures par semaine, sans réduction de salaire. 

Mais cette transition s’accompagne de son lot de défis. Particulièrement, « une convention de forfait jours étant signée individuellement, il a fallu convaincre chaque salarié. Les rares collaborateurs réticents se comptaient justement parmi les manageurs ». 

Pour éviter une réduction de salaire et un passage en forfait réduit, le département des ressources humaines a dû mettre en place des ajustements au niveau des politiques de RTT, de congés et de jours non travaillés. Une douzaine de RTT annuels ont ainsi été supprimés et remplacés par des « jours non travaillés ». Cinq jours de congé ont également été supprimés : seules les cinq semaines légales demeurent. De plus, l’entreprise a créé un dispositif appelé « jours LDLC », qui ne doivent pas être travaillés et sont attribués chaque semaine par l’employeur. « Afin de responsabiliser mon équipe de onze commerciaux, je leur ai demandé de choisir eux-mêmes le jour off, sauf le mardi pour y faire toutes nos réunions et recevoir les clients, raconte Jean-Charles Bengasini, manageur commercial. Je leur ai aussi demandé de ne pas tous demander le même jour. » (…) Au nombre de 37, ces « jours de repos obligatoires » ne sont ni stockables ni récupérables. Au total, les cadres en forfait travaillent donc 181 jours par an. 

Selon l’entreprise, le succès de cette transition est aujourd'hui indéniable. Non seulement la société n'a pas eu besoin de recruter pour compenser la baisse du temps de travail, mais le chiffre d'affaires a également connu une augmentation significative. De plus, les statistiques en matière d'accidents du travail et d'absentéisme ont considérablement diminué.

Au-delà des chiffres, les salariés ont eu l'opportunité de rééquilibrer leurs vies personnelles et professionnelles, en consacrant plus de temps à leurs loisirs, leurs familles ou d’autres activités. 

Malgré tout, les cadres en forfait jours « ne comptent toujours pas les heures ». Ils « regardent les mails pendant leur jour off comme ils le faisaient avant le week-end ; et s’il y a des urgences, ils restent joignables ». Ils reconnaissent qu’en tant que cadres, ils ont « des responsabilités » et ont du mal à décrocher : « J’ai mis six mois à arrêter de regarder mon PC le vendredi », concède l’un d’eux. 

« Certains travaillent toujours cinq jours : avant, ils roulaient à 180 km/h sur une autoroute à 130, et maintenant que nous sommes passés à 110, ils restent à 150, conclut Laurent de la Clergerie. Mais ils ont une soupape, désormais : le jour où ils ont vraiment besoin d’un jour off, ils s’en servent, et ne se sentent pas coupables. » 

Quelle conclusion tirer d’une telle affirmation ? Que la semaine de quatre jours est parfaitement applicable aux cadres sous réserve de mettre en place des dispositifs particulièrement adaptés, ou bien que malgré ces dispositifs ils demeurent malgré tout en surrégime ? Nul doute que d’autres expérimentions seront indispensables pour y voir plus clair.

Source : Le Monde https://urlz.fr/qE6O