Une politique managériale aux conséquences dramatiques

Entre 2007 et 2010, France Télécom (aujourd’hui Orange) a mis en place un plan de restructuration visant à supprimer 22 000 postes sur trois ans. Ce plan s’appuyait sur des techniques de management destinées à inciter les salariés à quitter volontairement l’entreprise. Parmi ces techniques, on retrouve des pratiques telles que la multiplication des mobilités forcées, des objectifs inatteignables et une pression constante sur les salariés, créant un climat de travail toxique. Ces méthodes ont entraîné une vague de suicides parmi les employés.

En 2019, la juridiction correctionnelle avait déjà condamné l’ancien PDG de France Télécom, Didier Lombard, et d’autres dirigeants pour « harcèlement moral », confirmant le lien entre les pratiques managériales et la dégradation des conditions de travail.

La plus haute juridiction française a rejeté, mardi 21 janvier, les pourvois de l’ex-patron de France Télécom et de son numéro deux, rendant définitives leurs condamnations.

Le harcèlement moral institutionnel défini

La cour de cassation établit que le harcèlement moral institutionnel est caractérisé lorsque les agissements visent "à arrêter et mettre en œuvre, en connaissance de cause, une politique d’entreprise qui a pour objet" ou pour effet "de dégrader les conditions de travail de tout ou partie des salariés" pour "parvenir à une réduction des effectifs" ou "d'atteindre tout autre objectif", managérial, économique ou financier".

Les éléments constitutifs de l'infraction

Pour caractériser le harcèlement moral institutionnel, la Cour identifie deux éléments principaux :

  • L'élément intentionnel : Les dirigeants avaient conscience des conséquences négatives de leur politique sur les conditions de travail et la santé des employés.
  • L'élément matériel : La mise en place d'une stratégie délibérée et répétée, traduite par des actions concrètes telles que le suivi des départs, l'incitation financière à la réduction des effectifs et des formations managériales orientées vers cet objectif.

Ces éléments dépassent les limites admissibles du pouvoir de direction et démontrent une intention manifeste de déstabilisation collective.

Une portée juridique significative

La décision appelle les dirigeants à intégrer pleinement la dimension humaine dans leurs politiques de réorganisation, sous peine de lourdes sanctions pénales. Elle renforce la protection des salariés contre les formes de harcèlement collectif et institutionnel, inscrivant ainsi le respect des droits et de la dignité des travailleurs au cœur des obligations managériales.

Lien vers le communiqué de presse de la Cour de cassation : https://urlr.me/uBZRDG