En effet, les conventions de forfait permettent d’aménager le temps de travail, par dérogation au dispositif légal qui le comptabilise en heures par semaine, afin de le quantifier par semaine, mois ou année en heures ou en jours.
Cette exception au principe se justifie étant données les spécificités de certaines fonctions. Ainsi, pour les cadres, l’autonomie dans l’organisation du temps de travail, l’indépendance vis-à-vis de l’horaire collectif justifient une organisation différente, plus souple du temps de travail. Depuis 2005, les salariés qui disposent de cette même autonomie organisationnelle et dont le temps de travail ne peut faire l’objet d’une prédétermination en sont également exonérés.[1]
L’autonomie est l’élément déterminant pour recourir au forfait jours, elle justifie sa nécessité pour le bon fonctionnement de l’entreprise. C’est pourquoi la Chambre Sociale veille à l’effectivité de cette notion, par un champ d’application restrictif, comme l’illustre l’arrêt du 23/01/2013.[2] En l’espèce, les salariés requérants contestaient l’autonomie puisqu’ils étaient intégrés dans des plannings qui imposaient leur présence sur le lieu de travail à certains horaires. Ces salariés, membres du comité de direction, exerçaient un emploi réglementé qui nécessitait leur présence dans les salles de jeux. La Haute juridiction a retenu que cet assujettissement à des horaires prédéterminés était « antinomique avec la notion de cadre autonome ». Quand bien même la convention de forfait est régulière et la dénomination cadre autonome acceptée par le salarié, l’absence de possibilité laissée au salarié de déterminer lui-même l’organisation de son temps de travail empêche la conclusion d’une convention de forfait jours.
Cette notion devient un élément clef pour déterminer si les salariés sont éligibles ou non au forfait jours. Son acception stricte est garante d’une réelle liberté à administrer soi-même son organisation de travail, elle est également indispensable pour ne pas généraliser ce dispositif à tous les salariés. En effet, il exonère des obligations légales de durée hebdomadaire du temps de travail (35h), des durées maximales hebdomadaire (48h) et quotidienne (10h).
Si l’autonomie du salarié n’est pas avérée, le forfait ne devient plus qu’une parade qui permet de s’affranchir de cet encadrement, sans réelle nécessité ni contrepartie. C’est d’ailleurs ce que la Cour de Cassation a reproché aux conventions qui permettaient des durées de travail excessives. Le projet de loi sur le travail n’assure pas la sécurisation du dispositif également réclamée par le rapport Mettling. Il réaffirme que le dispositif est exempté des durées maximales de travail et fait peser la charge de la preuve du respect des temps de repos sur le salarié.[3] Or, le droit européen retient que c’est à l’employeur de prouver que ces temps ont été respectés. De plus, la possibilité de fractionner le repos quotidien et hebdomadaire, sous certaines conditions, fragilise la protection de la santé et de la sécurité du salarié en supprimant l’unique encadrement tangible du dispositif.
Le forfait jours est un dispositif qui peut répondre efficacement aux attentes des cadres autonomes et des entreprises sous réserve que sa mise en oeuvre soit encadrée. Aussi, pour ne pas être dévoyé, il doit non seulement être limité aux seuls cadres qui disposent effectivement d’une liberté quant à l’organisation de leur planning de travail, mais aussi être limité dans son amplitude journalière, le nombre de jours travaillés et garantir un repos suffisant. Ces recommandations portées par FO-Cadres, qui sont résolument à rebours de ce qui est proposé par le projet de loi, seraient de nature à redonner au dispositif tout son sens et son intégrité initiale.
[1] L3121-42 CT et suivants
[2] N° 11-12323 à 11-12328
[3] Respectivement L3121-61 et L3121-59 alinéa 2