Une présomption de salariat à la direction de chaque État
Le texte original prévoyait la mise en place d’une présomption de salariat sur une liste de cinq facteurs bien définis (rémunération fixée par la plateforme, supervision de la prestation à distance, impossibilité pour le travailleur de choisir ses horaires ou de refuser des missions, port de l’uniforme et interdiction de travailler pour d’autres entreprises). Cocher deux de ces critères suffisait à reconnaitre la plateforme comme employeur.
Dans le texte adopté, les États ont plus de marge de manœuvre. Ces derniers devront définir la présomption de salariat dans leurs propres systèmes législatifs. Chaque État pourra donc retenir des critères différents. Pour autant, tous les TPN ne basculeront pas automatiquement dans le salariat. Ils auront la possibilité de contester leur statut, la directive inversant par ailleurs la charge de la preuve : il reviendra désormais aux plateformes de prouver que le travailleur n’est pas salarié. L’inspection du travail pourra également l’appliquer spontanément.
La régulation algorithmique
Outre la présomption de salariat, la directive adoptée contient un chapitre destiné à mieux réguler la gestion algorithmique exercée par les plateformes. En effet, celles-ci utilisent de nombreux outils numériques. Si certains sont employés pour coordonner la répartition des tâches des TPN, d’autres ont une vocation de surveillance ou d’évaluation en temps réel. La plupart servent permettent aux plateformes de recueillir et traiter des données. Mais des problèmes peuvent survenir en cas de prise de décision automatisée résultant de conclusions biaisées. Il arrive que ces logiciels fassent des erreurs, sans recours possible de la part des travailleurs.
C’est pourquoi la directive introduit certains garde-fous, comme l’utilisation des données relatives à l’état psychologique des TPN, leurs religions, leurs sexualités, ou leurs conversations privées. En outre, chaque décision algorithmique portant sur la rémunération ou d’éventuelles sanctions (telles des suspensions de comptes) devra désormais s’accomplir sous contrôle d’une personne humaine.
La France et l’Allemagne isolées
Jusqu’à présent, le poids de la France et de l’Allemagne dans le camp des opposants au texte avait pesé sur le choix de certains États membres. Mais à la surprise générale, certains ont opéré un revirement de dernière minute. C’est notamment le cas de l’Estonie et de la Grèce, qui s’étaient jusqu’alors abstenu et ont finalement décidé de modifier leur vote. Dès lors, la France et l’Allemagne se sont retrouvées isolées -la France demeurant même l’unique État à voter contre le projet.
Si le texte final n’harmonise pas les règles entre les États membres, il n’en marque pas moins une étape importante dans la reconnaissance de la situation particulière des travailleurs des plateformes numériques. Par la voix de son porte-parole, Uber a appelé les pays de l’UE à « introduire des lois nationales pour donner aux travailleurs des plateformes la protection qu’ils méritent tout en maintenant l’indépendance qu’ils préfèrent ». Le nombre de recours en requalification permettra de vérifier ce dernier point.