Vers une reconnaissance du harcèlement professionnel
Risques psychosociaux
25/07/2010
Ce n’est un secret pour personne l’entreprise peut-être le lieu du stress, de la souffrance, de la dépression et même du suicide. Une réalité qui touche toutes les catégories de salariés. Selon une étude de la DARES publiée en mai 2008, plus de 16 % des cadres s’estiment victimes de comportements hostiles de la part d’une ou plusieurs personnes dans le cadre de leur travail. Ils déclarent ainsi subir des atteintes dégradantes, faire l’objet d’attitudes méprisantes ou encore être confrontés à un déni de reconnaissance de leur travail.
Malgré ce constat amer, certains employeurs continuent d’arguer que le harcèlement au travail résulte essentiellement d’agissements individuels de la part de salariés « pervers » qui dégradent les conditions de travail de leurs collèges en niant le fait que l’organisation du travail peut être source de harcèlement.
Dans ce contexte, l’arrêt de la Cour de cassation du 10 novembre 2009 (n° 07-42.321) revêt une importance toute particulière. Ainsi et pour la première fois, la Haute cour admet que certaines pratiques managériales et donc applicables à l’ensemble du personnel peuvent engendrer du harcèlement moral dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En l’espèce, le directeur de l’établissement soumettait les salariés à une pression continuelle, des reproches incessants, des ordres et contre-ordres dans l’intention de diviser l’équipe. Des agissements qui s’étaient traduits pour le salarié par sa mise à l’écart, un mépris affiché à son égard, une absence de dialogue caractérisée par une communication par l’intermédiaire d’un tableau, entraînant chez lui un état dépressif grave.
Sans aller jusqu’à reconnaître le harcèlement moral collectif, cet arrêt marque une étape importante vers la reconnaissance d’un harcèlement professionnel lié à des méthodes de management qui touche un collectif de travail. Cette décision a par ailleurs été confirmée dans un arrêt du 3 février 2010 (n° 08-44.107) pour des méthodes abusives de management.
Un début de reconnaissance renforcé par l’accord national interprofessionnel relatif au harcèlement et à la violence au travail du 26 mars 2010. Malgré l’opposition du Medef, les organisations syndicales et particulièrement FO ont obtenu que soit prévu dans le texte que l’organisation et l’environnement de travail peuvent être à l’origine de harcèlement et de violence au travail. Ainsi, aux côtés des comportements individuels, les modes de management et de fonctionnement de l’entreprise sont désormais visés.
Si du chemin reste à parcourir pour la prévention et la gestion des risques psychosociaux en entreprise, les futures négociations de branche demandées par l’accord permettront d’apporter aux salariés des garanties concrètes, notamment en prévoyant des formations pour les managers et ceci afin d’y intégrer la conduite des hommes, la gestion des équipes, comme les comportements managériaux.