En 2016, une procédure disciplinaire est ouverte l’encontre de la requérante en raison de mentions « J’aime » qu’elle a déposées sur certaines publications Facebook au motif qu’il s’agissait de contenus inculpant les professeurs de viol, accusant les hommes d’Etats et relevant de partis politiques. Elle est licenciée au motif de perturber la paix, la tranquillité et l’ordre sur le lieu de travail à des fins idéologiques et politiques.

Après avoir saisi l’ensemble des juridictions internes, la requérante porte son affaire à la connaissance de la CEDH en considérant qu’avait été porté atteinte à l’exercice de son droit à la liberté d’expression, protégé par l’article 10 de la convention européenne des droits de l’Homme : « toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques ».

En propos introductif, la Cour rappelle que la protection du droit à la liberté d’expression s’applique également dans la sphère professionnelle. Lorsque les Etats sont en cause, il convient de trouver un juste équilibre entre l’intérêt général et les intérêts des individus. La Cour poursuit en considérant que certaines manifestations du droit à la liberté d’expression, qui pourraient être légitimes dans des contextes personnels, ne le sont pas dans le cadre de la relation de travail.

Elle précis aussi que le fait d’appuyer sur le bouton « j’aime » d’un réseau social est un moyen d’afficher un intérêt ou une approbation pour un contenu. Cela constitue une forme courante et populaire d’exercice de la liberté d’expression en ligne.

Elle réaffirme dans cet arrêt que l’article 10§2 de la convention européenne ne laisse pas de place pour les restrictions dans deux domaines : les discours politiques et les questions d’intérêt général.

Aujourd’hui, Internet est un outil de communication et donc l’un des principaux moyens d’exercice de la liberté d’expression. Ainsi, la Cour estime qu’il est essentiel pour l’évaluation de l’influence potentielle d’une publication en ligne de déterminer son étendue et sa portée auprès du public. En l’occurrence, le « j’aime » témoigne d’une simple sympathie à l’égard de la publication visée et non d’une volonté active de diffusion.

De plus, dans les faits présentés, les publications litigieuses n’ont eu qu’un faible taux d’audience.

Enfin, la requérante ne disposait que d’une notoriété et une représentativité limitée dans sa structure.

En vertu de ses éléments, le licenciement de la requérante n’était pas justifié.

 

Quelle liberté d’expression pour les salariés sur les réseaux sociaux ?

L’article L. 2281-3 du Code du travail dispose que « les opinions que les salariés, quelle que soit leur place dans la hiérarchie professionnelle, émettent dans l'exercice du droit d'expression ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement ».

De plus, l’article L. 1121-1 dispose que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionné au but recherché ». En 2006, la chambre sociale de la Cour de cassation était venue préciser « qu’un fait de la vie personnelle peut entraîner un licenciement ou une sanction lorsqu’il cause un trouble caractérisée au sein de l’entreprise » (Cass. Soc. 25 janvier 2006 n°04-44918).

 

Aujourd’hui, il est vrai que l’utilisation des réseaux sociaux peut porter atteinte à la réputation de l’entreprise mais elle peut aussi être un facteur de diffusion d’actions novatrices. Autrement dit, la liberté d’expression est un droit fondamental qui suscite quelques interrogations tant en termes de management qu’au regard de la dimension planétaire du cyberespace. Il faut donc trouver un équilibre entre les libertés des salariés et la réputation de l’employeur.

La limite de la liberté d’expression est l’abus. Sa caractérisation est étroitement liée aux contenus publiés sur les réseaux. De jurisprudence constante, il est considéré qu’il y a abus dans la liberté d’expression lorsque les propos sont dénigrants, diffamatoires ou injurieux. Cependant, un angle complémentaire doit être pris en considération : le périmètre de diffusion des publications. Finalement, les propos ne sont sanctionnables que s’ils sont rendus publics. Mais, le compte Facebook est-il public ou privé ?

Si le mur est présumé public, le salarié devra prouver qu’il avait pris les mesures nécessaires pour restreindre l’accès à un nombre circonscrit d’amis

En revanche, si le mur est présumé privé, l’employeur doit démontrer que le paramétrage ne permettait pas de qualifier le compte de privé.

 

Les hypothèses sont multiples et complexes. Les chartes d’utilisation des réseaux sociaux peuvent constituer un outil de prévention et un guide de bonne conduite pour faire face aux communications 2.0.