Rappelons que les cadres aux forfaits jours sont déjà exclus de nombreuses dispositions de la réglementation du travail, comme les heures supplémentaires, les durées maximales journalières et hebdomadaires de travail.
Ce projet de loi porte gravement atteinte à la santé des salariés, à leur droit légitime au repos et au respect de leur équilibre vie privée - vie professionnelle.
Aussi pour mieux comprendre les conséquences de ce texte sur la vie professionnelle des cadres, voici en quelques questions/réponses « toute la vérité » sur les forfaits jours.
Comment seront mis en place les forfaits jours ?
Le projet de loi prévoit : « La conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche... » « La mise en oeuvre d'une convention individuelle de forfaits en jours sur l'année requiert l'accord du salarié concerné. La convention de forfait est établie par écrit. »
Le texte n'accorde aucune garantie supplémentaire par rapport à la législation actuelle. Il ne fait que maintenir les deux conditions préexistantes pour la mise en place des forfaits jours, à savoir un accord collectif et l'accord écrit du salarié (par contrat de travail ou avenant à celui-ci).
Plus encore, il remet en cause la hiérarchie des normes puisque un accord collectif de branche ne pourra intervenir qu'à défaut d'accord d'entreprise.
C'est donc entreprise par entreprise que la mise en place des forfaits jours sera négociée.
Combien de jours par an, au maximum, un cadre pourra-t-il travailler ?
Le projet de loi prévoit : « La durée annuelle du travail d'un salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année ne peut être supérieure à 218 jours. L'accord collectif fixe par ailleurs, dans le respect des dispositions relatives aux repos quotidien et hebdomadaire et aux congés payés, le nombre annuel maximal de jours travaillés qui peut excéder 218 jours...»
En application de la loi AUBRY II de 2000, un accord collectif devait fixer le nombre de jours travaillés, ce nombre ne pouvait dépasser 218 jours. Toutefois les accords collectifs pouvaient déterminer un nombre inférieur à celui-ci.
Avec le projet de loi, le plafond de 218 jours n'existera plus. Le nouveau plafond pourra même porter jusqu'à 282, le nombre de jours travaillés par an.
En effet, le plafond sera fixé dans le seul respect des dispositions relatives aux repos quotidien (11 heures) et hebdomadaire (24 heures) et aux congés payés (30 jours).
C'est-à-dire : 365 jours - 52 dimanches - 30 jours de congés payés - 1er mai = 282 jours de travail par an.
Aussi, un cadre pourra se voir imposer de travailler le samedi, les jours fériés autres que le 1er mai (14 juillet, 1er janvier, 25 décembre...) et ne disposera que de ses congés payés légaux.
Mais que signifie le plafond de 235 jours ?
Le projet indique « à défaut d'accord collectif, ce nombre annuel maximal est de 235 jours ».
Ainsi, si un accord collectif ne fixe pas le plafond maximal de jours travaillés, la loi impose 235 jours.
C'est à dire 365 jours - 52 samedis - 52 dimanches - 25 jours de congés - 1er mai.
Dans la logique gouvernementale, 235 jours c'est mieux que 282 jours.
Pour FO-Cadres c'est totalement inadmissible.
Les cadres vont se voir imposer de travailler au minimum 17 jours de plus et ce n'est pas la notion de volontariat, que clame haut et fort le gouvernement, qui changera l'impact négatif de cette réforme.
Les accords collectifs actuels seront-ils remis en cause ?
Non, les accords collectifs préexistants resteront en vigueur. Le texte ne fixe pas d'échéance de validité pour les accords déjà conclus.
Toutefois, en cas de dénonciation des accords collectifs, la « nouvelle législation » s'appliquera avec le risque dans l'entreprise de voir un plafond de jours travaillés bien supérieur à 218 jours.
Aussi pour FO-Cadres, la première des actions est de maintenir dans le cadre des éventuelles renégociations, les plafonds déjà négociés (au maximum 218 jours).
Tout doit être fait pour éviter que les cadres ne soient conduits à sacrifier leurs RTT, avec toutes les conséquences que ce renoncement aura sur leur santé et leur vie privée.
Comment le cadre sera-t-il payé s'il travaille plus de 218 jours, quelles sont les contreparties ?
Le projet de loi prévoit « Le salarié qui le souhaite, peut, en accord avec son employeur, travailler au-delà de leur durée annuelle fixée par la convention individuelle de forfait ou renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de salaire, dans la limite du nombre annuel maximal de jours travaillés. L'accord entre le salarié et l'employeur est établi par écrit. »
« La rémunération majorée, qui ne peut être inférieure à la valeur afférente à ce temps de travail supplémentaire majorée de 10 %, est fixé par avenant à la convention de forfait conclus entre le salarié et l'employeur. »
Pour rappel, depuis la loi TEPA (travail, emploi, pouvoir d'achat) du 21 août 2007, le cadre au forfait jours se voyait inviter à renoncer à ses jours de repos au-delà de 218 jours contre une majoration de salaire de 25 % avec une exonération de cotisations sociales et d'impôt sur le revenu. Le dispositif n'était possible que si un accord collectif prévoyait le rachat de jours.
La loi PA (pouvoir d'achat) du 8 février 2008, a fait sauté le verrou de l'accord collectif puisqu'elle prévoit que quelle que soit la taille de l'entreprise et même si l'accord ne prévoit pas la monétisation des jours de repos, le cadre au forfait jours pourra renoncer à ses jours de repos qu'il a acquis jusqu'au 31 décembre 2009 et ceci en contrepartie d'une majoration de salaire d'au moins 10 %.
Cette majoration de salaire fera l'objet d'une négociation entre employeur et salarié.
Le projet de loi ne fait donc que pérenniser le dispositif PA, dispositif le moins favorable en matière de pouvoir d'achat (10% de majoration au lieu de 25%).
Ainsi, le cadre au forfait jours qui va travailler au-delà de la durée annuelle de travail (au maximum 218 jours) ou renoncer à ses jours de RTT, percevra en contrepartie une majoration de 10 % minimum par journée supplémentaire travaillée.
Et pour aller au-delà, cela résultera d'une négociation de gré à gré entre le cadre et son employeur, sans aucune possibilité d'un cadrage conventionnel.
De plus, le projet de loi n'indique pas si le cadre pourra bénéficier des exonérations de cotisations sociales et d'impôt sur le revenu issues de la loi TEPA.
Existera-t-il de nouvelles garanties associées au forfait jours ?
Contrairement à ce qu'avait annoncé le gouvernement, nous ne constatons aucune garanties nouvelles accordées aux cadres aux forfaits jours. Plus encore, nous voyons dans ce texte une véritable régression des acquis.
En effet, pour ce qui concerne le contrôle de la durée du travail, le texte indique que « L'accord collectif prévoit les modalités et les caractéristiques principales de ces conventions », et ajoute que « Le comité d'entreprise est consulté chaque année sur les modalités de suivi de la charge de travail des salariés concernés. »
Rappelons que sous le régime de la loi AUBRY II l'accord collectif devait prévoir les modalités de suivi et de contrôle de la durée du travail.
La durée du travail devait être décomptée chaque année par récapitulation du nombre de journées ou de demi-journées travaillés pour chaque cadre concerné par le forfait jours. Ce document devait être tenu à la disposition de l'inspecteur du travail pendant une durée de 3 ans, sous peine de sanctions pénales pour l'employeur.
Aussi, le projet par une formulation imprécise ne détermine plus les mentions obligatoires de l'accord et les attributions accordées au comité d'entreprise sont amputées de la notion de contrôle de la durée du travail.
Plus encore, le texte « sort » le suivi de la durée du travail du cadrage conventionnel pour le remplacer par un entretien annuel individuel sur la charge de travail.
On ne peut que rester dubitatif sur la portée et l'efficacité pratique de cet entretien pour le cadre, qui éprouvera les pires difficultés à faire comprendre à son employeur que son nouveau forfait à rallonge a des effets néfastes sur sa vie privée et familiale.
Les cadres aux forfaits jours, premiers touchés par le projet de réforme du temps de travail, se voient proposer un véritable marché de dupe.
Nombreux seront ceux qui le refuseront et qui l'exprimeront haut et fort.
Face à ce projet de loi, nouvelle expression de la désormais célèbre maxime du gouvernement « travailler plus pour gagner plus », la seule réponse efficace est de maintenir les plafonds déjà négociés et de refuser les forfaits à rallonge.
Pour les cadres FO, attachés à leur jours de RTT, c'est 218 jours et pas un jour de plus.