Licenciement disciplinaire après refus d'une rétrogradation
Le délai d'un mois ne joue plus
26/04/2007
La Chambre sociale de la Cour de cassation par un arrêt du 27/03/2007 (pourvoi n°05-41.921) vient de rendre une solution inédite et inquiétante pour les droits des salariés.
En effet, si l'employeur laisse passer le délai d'un mois sans avoir prononcé de sanction, les faits pour lesquels le salarié a été convoqué à l'entretien préalable ne peuvent être sanctionnés. S'ils le sont, la sanction est nulle ou pour le licenciement disciplinaire sans cause réelle et sérieuse.
Contre toute attente, la Haute cour considère que l'employeur qui envisage une sanction, en lieu et place d'une rétrogradation refusée par le salarié, doit le convoquer à un nouvel entretien. Le deuxième entretien fait courir un nouveau délai d'un mois pour la notification de la sanction.
L'employeur ne serait donc plus tenu par le délai d'un mois entre l'entretien préalable et la notification du licenciement.
En l'espèce, un ingénieur consultant engagé en 1994 est convoqué à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement. Suite à l'entretien qui s'est tenu le 28 décembre 2001, l'employeur lui notifie une rétrogradation que le salarié a refusé. Face au refus du salarié, l'employeur convoque le salarié à un nouvel entretien préalable pour le 25 mars 2002 et il décide de prononcer un licenciement pour faute grave par lettre du 28 mars 2002.
Se pose légitimement la question de savoir si l'employeur peut notifier la sanction en l'espèce un licenciement disciplinaire largement plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien, plus exactement le premier entretien.
La Cour d'appel avait quant à elle appliqué les dispositions de l'article L122-41 du Code du travail et avait décompté le délai à compter du premier entretien. Aussi, et très logiquement elle avait conclu que le licenciement intervenu plus d'un mois après l'entretien était sans cause réelle et sérieuse.
L'interprétation du même article par la chambre sociale de la Cour de cassation a été toute autre. Elle considère que l'employeur qui entend prononcer un licenciement, après le refus du salarié d'une sanction de rétrogradation, doit organiser un nouvel entretien. La tenue de ce nouvel entretien ou plus exactement ce deuxième entretien donne à l'employeur un nouveau délai d'un mois pour notifier la sanction.
L'employeur dispose donc de plusieurs choix, dans le cas où le salarié refuse une sanction qui modifie son contrat de travail, il peut soit renoncer à la sanction, soit prononcer une nouvelle sanction. Dans le cas où il prononce une sanction, il peut sous réserve d'organiser un nouvel entretien, disposer d'un nouveau délai d'un mois pour notifier la sanction.
De plus, si la Cour de cassation prévoit l'hypothèse du licenciement, on peut penser que la solution inédite sera identique pour une sanction moins grave que le licenciement disciplinaire.
Encore, la Haute cour avait déjà admis une hypothèse où l'employeur bénéficiait d'un autre délai d'un mois pour notifier une sanction. Ainsi, si l'employeur est informé de l'impossibilité dans laquelle se trouve le salarié de se présenter à l'entretien, il peut en reporter la date et c'est à compter de cette nouvelle date que court le délai d'un mois qui lui est imparti pour notifier la sanction (Cass. Soc 04/06/2006, pourvoi n°04-43.819).
La seule limite pour l'employeur est de ne pas motiver le licenciement par le refus du salarié de la rétrogradation. Une modification du contrat de travail prononcée à titre de sanction disciplinaire ne peut être imposée au salarié et le refus de celui-ci d'accepter la modification n'est pas fautif (Cass. Soc 27/03/2007, pourvoi n°06-42.113).
En revanche, l'employeur qui soumet l'accord du salarié dont il juge le comportement fautif à une proposition alternative au licenciement, conserve la possibilité, en cas de refus du salarié, de se prévaloir de ce comportement fautif s'il décide de le licencier (Cass. Soc 31/01/2007, pourvoi n°04-42.669).
Mais quel choix reste au salarié, mise à part celui d'être placé dans une situation insécurité juridique.
Si la lecture et l'application faites par la juridiction d'appel nous semble logique et juridiquement motivées (article L122-41 du Code du travail), la décision de la Haute cour, censée juger en droit, pose de sérieuses inquiétudes.
Affaire à suivre...