Ainsi à l'heure où certains réclament la suppression pure et simple du forfait jours justifiée par le fait que les cadres aux forfaits jours ne peuvent pas bénéficier de la défiscalisation des heures sup', la chambre sociale de la Cour de cassation a voulu dans un arrêt du 31/10/2007 revenir « aux fondamentaux », à savoir le cadre demandeur d'une indemnité pour utilisation abusive du forfait jours pouvait-il en fait être soumis à ce type de forfait ?


Seul un cadre autonome peut être soumis à une convention de forfait annuel en jours. Depuis la loi Fillon de 2003 le cadre doit disposer d'une autonomie dans l'organisation de son emploi du temps. Sous le régime de la loi Aubry II de 2000, était concerné le cadre pour lequel la durée du travail ne pouvait être prédéterminée du fait de la nature de ses fonctions, des responsabilités exercées et du degré d'autonomie dont il bénéficiait dans son emploi du temps.


Pour permettre aux cadres autonomes soumis à un forfait jours de ne pas être lésé tant dans leur rémunération que dans l'effectivité de la réduction de leur temps de travail, la loi Aubry II a prévu une saisine spécifique du Conseil de prud'hommes, malheureusement peu utilisée si bien que c'est, à notre connaissance, la première affaire portée devant la plus haute juridiction.


Ainsi, l'article L212-15-4 alinéa 2 du Code du travail permet au cadre au forfait jours de saisir la juridiction prud'homale et d'obtenir une indemnité en fonction du préjudice subi s'il ne bénéficie pas d'une réduction effective de sa durée de travail ou s'il perçoit une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui lui sont imposées.


Cette saisine spécifique accordée aux cadres au forfaits jours ne réglait toutefois pas une difficulté de fond, le juge pouvait faire droit ou non à une demande d'indemnité pour utilisation abusive du forfait jours sans vérifier que le cadre pouvait se voir appliquer un tel forfait ?


La Haute cour s'est ainsi prononcée sur cette question dans l'arrêt Blue Green Villennes du 31/10/2007 (n°06-43.876) et exige du juge qu'il contrôle d'office la légalité de la convention de forfait en jours avant l'examen de la demande d'indemnité et ceci même si le cadre ne fait pas cette demande de contrôle de fond du forfait jours.


En l'espèce, un moniteur de golf - responsable d'enseignement, cadre au sens de la convention collective nationale du golf du 13/07/98 a été licencié pour faute grave, il saisi le Conseil de prud'hommes de plusieurs demandes dont celle relative au règlement de l'indemnité pour utilisation abusive du forfait jours.


La Cour d'appel de Versailles constate que l'emploi du temps du salarié était déterminé par la direction et son supérieur hiérarchique, lesquels définissait le planning de ses interventions auprès des clients ; que le salarié ne disposait pas du libre choix de ses repos hebdomadaires et qu'ainsi il ne disposait d'aucune liberté dans l'organisation de son travail.


Les juges d'appel constatant que le cadre ne pouvait relever du forfait en jours qui lui était appliqué lui ont néanmoins alloué une indemnité pour utilisation abusive du forfait.


La Cour de cassation casse l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Versailles en ce qu'elle accorde l'indemnité prévue à l'article L212-15-4 alinéa 2 du Code du travail et renvoi l'affaire sur ce point devant la Cour d'appel de Paris.


En demandant un contrôle systématique par le juge du forfait jours, la Haute cour fait de la réelle autonomie du cadre une condition impérative de l'application de ce type de forfait. Mais au-delà en renvoyant l'affaire au fond, la Haute juridiction permet ainsi au cadre qui ne bénéficiait pas d'autonomie dans l'organisation de son emploi du temps de pouvoir se prévaloir de la durée légale du travail et d'obtenir sur une période de 5 ans un rappel des heures supplémentaires effectuées au-delà des 35 heures hebdomadaires, ainsi que le repos compensateur correspondant.


Il reste à noter que bien que les faits de l'espèce soient antérieurs à la loi de 2003, la solution sera la même pour les cadres disposant de peu d'autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et à qui pourtant on a appliqué un forfait annuel en jours. Aussi, en cas de doute sur la légalité du forfait jours, le cadre ne doit pas hésiter à demander, accessoirement à la demande d'indemnité pour usage abusif du forfait, les contreparties liées aux heures supplémentaires.


Cet arrêt peut être rapproché de celui de la chambre sociale de la Cour de cassation du 13/12/2006 (n°05-14.685), passé quelque peu inaperçu et qui réaffirme, puisque besoin en était, que l'accord collectif qui met en place les conventions de forfaits en jours (mise en place qui nécessite aussi une convention individuelle : contrat de travail ou avenant à celui-ci) doit fixer obligatoirement un certains nombres de modalités prévues à l'article L212-15-3 III du Code du travail.


En l'espèce, un cadre soumis à une convention de forfait en jours en application de la convention collective des avocats salariés demande à la suite de son licenciement le paiement d'heures supplémentaires invoquant que les règles relatives au forfait jours ne lui étaient pas applicables car les modalités de suivi de l'organisation du travail des intéressés n'avaient pas été précisées au niveau de l'entreprise, mais par une décision unilatérale de l'employeur.


Contrairement à ce que certains pourraient penser, il ne s'agit pas d'une mise sur la sellette des forfaits jours, mais la simple et juste application des règles légales et conventionnelles applicables à ce type de forfait.