Cette rencontre initiée par le chef de l’État –lequel a réagi à la réunion qu’avaient organisée entre elles le 11 juillet les confédérations syndicales et les organisations patronales- était « attendue » par les interlocuteurs sociaux ainsi que le soulignait ces derniers jours le Secrétaire général de la Confédération FO. Si sur « la forme » des relations entre les interlocuteurs sociaux et le chef de l’État, cette rencontre marque une évolution ainsi que le notait le Secrétaire général de la Confédération FO, l’avenir dira si « sur le fond » des dossiers l’attitude de l’Exécutif change réellement.
Ni « accompagnement » ni signature d’un « contrat social »
Lors de cet entretien multilatéral à l’Elysée, le Secrétaire général a noté en effet des « signaux » apportés par le chef de l’État semblant indiquer « une volonté renouvelée de travailler avec les interlocuteurs sociaux ». La prudence reste toutefois de mise. Par cette rencontre inédite le président de la République a voulu faire le point sur les dossiers de rentrée, notamment entendre ses interlocuteurs à propos des projets de réformes. M. Emmanuel Macron assure ainsi qu’il souhaite « jeter les base d’un nouveau contrat social, celui du siècle qui s’ouvre ».
« Il ne s’agit pour nous ni d’accompagner ni de signer un quelconque Contrat social avec qui que ce soit mais de venir défendre le Modèle social » a rappelé d’emblée la Confédération FO ce 17 juin par la voix de son secrétaire général. Concrètement il ne faut pas compter sur l’assentiment acquis de FO aux réformes que l’Exécutif a engagées depuis un an (les Ordonnances sur le travail par exemple) ni sur les projets de réformes actuels (retraite, assurance chômage…). Par ailleurs a souligné encore Pascal Pavageau « nous sommes libres de négocier sur ce que nous décidons comme nous sommes libres de ne pas accepter de négocier sur n’importe quoi et dans un cadre contraint »
Prudence et vigilance…
Quelles conclusions tirer alors de cette rencontre avec le président de la République ? Celui-ci a fait part de sa volonté de « revenir à une République contractuelle » indiquaient certains représentants d’organisations syndicales à la sortie du rendez-vous. Il faut comprendre une République où le dialogue est instauré entre l’État et les interlocuteurs sociaux. Reste à mettre cela en action.
Le Secrétaire général de la Confédération FO souligne le sentiment de « prudence » de l’organisation et le devoir de « vigilance ». Au cours de cette rencontre, Pascal Pavageau a fait part des inquiétudes de l’organisation. « La radicalité de la méthode (de l’Exécutif, depuis un an, Ndlr) et le caractère antisocial des réformes couplée à la logique de syndicalisme bashing entraîne une radicalisation croissantes des formes d’action dans la société et en particulier sur les lieux de travail ».
Les dossiers sur la table
Le chef de l’État a « confirmé l’analyse de FO » note le Secrétaire général. En « élément de réponse », M. Emmanuel Macron « propose de redonner aux organisations toutes leur légitimité mais aussi leurs moyens d’actions tant au plan local que national. C’est en ce sens que FO transmettra les remontées des unions départementales concernant à les difficultés à maintenir des locaux syndicaux de proximité » indique Pascal Pavageau.
Le chef de l’État qui propose d’ouvrir « une autre séquence sociale » annonce, ce qui ressemble à un début d’agenda social soit l’organisation à la rentrée de bilatérales sur divers thèmes entre les organisations (syndicales et patronales) et le Premier ministre. Une rencontre multilatérale serait organisée aussi sur l’assurance-chômage et sur la Santé au travail prévoit M. Emmanuel Macron qui semble vouloir programmer l’an prochain aux alentours du printemps une rencontre du même type que celle de ce 17 juillet avec les interlocuteurs sociaux.
« En réponse à nos demandes formulées ces dernières semaines » indique Pascal Pavageau « le chef de l’État a proposé qu’une négociation interprofessionnelle soit ouverte sur plusieurs points liés à la Santé au travail. Sur le plan pauvreté, il a confirmé le report des annonces à l’automne afin d’intégrer une phase de concertation comme nous le demandions et de les coordonner avec l’ouverture de la négociation sur l’assurance chômage ».
Des lignes rouges…
A la surprise générale, le président de la République dans son discours au Congrès le 9 juillet a demandé aux « partenaires sociaux » de négocier une nouvelle Convention d’assurance-chômage alors que l’actuelle est valide jusqu’en septembre 2020. Pour ce faire, le gouvernement a introduit le 10 juillet un amendement au projet de loi « Avenir professionnel » actuellement en débat au Parlement. Amendement rejeté le 16 juillet par le Sénat qui examinait le projet de loi en première lecture avant que celui-ci ne vienne devant une commission mixte paritaire puis reprenne le chemin de l’Assemblée. Pour cette renégociation avant l’heure des règles de l’Unédic l’Exécutif propose une « phase de diagnostic en septembre » suivi d’une négociation qui devrait durer quatre mois. Une nouvelle Convention devra voir le jour d’ici le début février programme la présidence de la République. On en est loin pour l’instant.
Le gouvernement devra d’abord produire une « lettre de cadrage », sur la base a priori d’une concertation. FO « attendra la lettre de cadrage pour se prononcer » indiquait ce 17 juillet la confédération. « Nous avons obtenu que cette lettre soit établie de concert avec les organisations syndicales et sans conclusions préétablies » indique toutefois Pascal Pavageau.
Cette avancée n’efface pas pour autant les craintes que l’organisation FO nourrit vis-à-vis des intentions du gouvernement. « S’il devait s’agir d’anéantir les fondements assurantiels liés à la cotisations pour étatiser l’intégralité et remplacer ainsi un droit collectif en une protection publique sous réserve de contraintes et d’engagements individuels, nous ne participerions pas à un tel suicide » indique le Secrétaire général de la Confédération FO. En mai 2017, lors de la campagne présidentielle, M. Emmanuel Macron prônait la création d’une « assurance chômage universelle »
Encore le credo de la réduction des dépenses…
L’organisation prévient aussi l’Exécutif qu’elle n’est pas dupe « FO a indiqué avoir compris le sens de la tentative de transfert, de faire financer le chômage de longue durée exclusivement par l’assurance chômage, asséchant ainsi progressivement le système, de façon à ce que l’État puisse à court terme réaliser des économies sur ses outils d’aides et de minima sociaux, comme l’Allocation Solidarité Spécifique (ASS), tout en se gardant, à moyen terme, la possibilité d’étatiser intégralement l’assurance chômage. »
L’Exécutif demande en effet aux syndicats et au patronat de renégocier la convention en privilégiant des solutions favorisant notamment le retour à l’emploi des chômeurs. Il leur demande aussi de se pencher sur une indemnisation –sous-entendu par l’Unedic- du chômage de longue durée. Actuellement, au-delà de deux années d’indemnisation, un chômeur perçoit l’Allocation de solidarité spécifique (ASS). Comme son nom l’indique, cette allocation relève de la solidarité nationale.
Pour FO, pas question de « négocier n’importe quoi »
Or, le 9 juillet devant le Congrès le chef de l’État avait rappelé sa philosophie pour « l’État providence du XXIe siècle ». Cet État selon M. Macron doit être « émancipateur, universel, efficace et responsabilisant ». Tout comme aux minima sociaux, cette philosophie doit s’appliquer selon lui à l’assurance chômage. Il s’agirait de réaliser « une transformation du système de solidarité pour le rendre plus universel et plus responsabilisant » explique M. Macron. Le 10 juillet dernier, le Secrétaire général de la Confédération FO prévenait qu’il n’était pas question pour l’organisation de « négocier n’importe quoi »…
Dans le cadre encore des projets de réformes à venir… La Confédération a rappelé au chef de l’État son « opposition à la mise en place d’une retraite par points, individualisant l’ensemble des parcouru parcours et aboutissant à un travail sans fin ». Elle a souligné par ailleurs son « attachement à la sécurité sociale » et « l’opposition absolue » de FO « à toute déconstitutionnalisation de celle-ci ».
Lors de l’examen du projet de loi constitutionnel début juillet il fut question en effet un moment (sur la base d’un amendement d’un député de la majorité) d’ôter de la Constitution le terme de loi de financement de la « sécurité sociale » pour le remplacer par « protection sociale ». Ce projet de mutation de vocabulaire -et donc de concept- a été abandonné face à la contestation, de FO notamment. La vigilance n’est jamais inutile…
Source : https://www.force-ouvriere.fr/