Au cours de l'essai chacune des parties peut mettre fin au contrat de travail sans justification, ni respect des règles relatives au licenciement ou à la démission. Cette liberté de rompre le contrat de travail constitue une dérogation aux règles et procédures applicables à la résiliation du contrat de travail. Face à cela, existent des limites protectrices des droits des salariés, avec l'encadrement conventionnel de la durée de l'essai, de sa prolongation ou de son renouvellement, mais également avec la notion de rupture abusive de l'essai par l'employeur.
Le caractère abusif de la rupture de la période d'essai a ainsi été précisé dans deux arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. Soc 31/10/2007 n°06-44.029 et Cass. Soc 20/11/2007 n°06-41.212).
La période d'essai n'a donc, pour l'employeur, qu'un seul et unique objet : apprécier la valeur professionnelle du salarié. Toute rupture par l'employeur pendant cette période pour un motif non inhérent à la personne du salarié suppose le respect du droit du licenciement.
L'arrêt du 20 novembre 2007 est le plus intéressant en la matière, en particulier dans une période de négociation (modernisation du marché du travail) où certains souhaitent opérer une mutation de l'essai avec un allongement de la durée (six mois renouvelable pour les cadres) et une option de gré à gré pour échapper aux dispositions conventionnelles.
Pour en revenir à l'espèce, un cadre avait été embauché en CDI avec une période d'essai de quatre mois renouvelable, son contrat de travail avait été rompu au bout d'un peu plus de deux mois. Constatant que le poste qu'il occupait avait été supprimé, il a saisi la juridiction prud'homale pour rupture abusive de son contrat de travail.
L'employeur condamné à verser 35 000 euros de dommages intérêts a avancé à l'appui de son pourvoi devant la Cour de cassation que la suppression du poste du salarié, dont l'employeur a rompu la période d'essai, n'était pas à lui seul constitutif d'un abus de l'exercice du droit de tout employeur de mettre fin à la période d'essai. Argument avisé puisqu'il résulte d'un arrêt, un peu ancien, de la Cour de cassation du 30 septembre 1992 (n°89-41.820), mais la Haute cour n'a pas pour autant dérogé à l'intérêt de sa décision, à savoir celui de repréciser la finalité unique de la période d'essai pour l'employeur.
Aussi s'en remettant largement aux constatations des juges du fond, en effet dans un domaine où la rupture n'a pas à être motivée, les juges doivent rechercher en cas de litige le véritable motif de la rupture ou plus exactement le motif implicite ; l'essai ayant été rompu en raison de la suppression du poste du salarié, suppression établie par l'absence de remplacement de l'intéressé, la Haute cour considère que la période d'essai étant destinée à permettre à l'employeur d'apprécier la valeur professionnelle du salarié, la résiliation du contrat étant intervenue au cours de la période d'essai pour un motif non inhérent à la personne du salarié (économique) était abusive. L'abus ouvre donc droit à des dommages et intérêts pour le cadre lésé.
L'arrêt de la Cour de cassation du 31 octobre 2007 rend une décision similaire dans une affaire peu habituelle où la flexibilité a été la principale motivation de cet employeur. Elle décide donc que l'employeur qui a utilisé la période d'essai à des fins étrangères à l'évaluation des compétences du salarié (rupture de l'essai pour quatre cadres dirigeants débauchés par une société en raison de sa prochaine entrée en bourse, qui par la suite a quelque peu mal tourné) et dont la rupture était dépourvue de lien avec les qualités des salariés était abusive.
Après cette précision bien nécessaire de la Haute juridiction, rappel qui correspond à un courant jurisprudentiel visant à encadrer la liberté de rupture de l'essai ; à notre tour de réaffirmer certains points aux employeurs :
La période d'essai ne peut être légitimement rompue que pour deux motifs, celui lié à la finalité de l'essai et celui lié à une faute du salarié. Dans ce dernier cas, l'employeur doit néanmoins respecter la procédure disciplinaire prévue à l'article L122-41 du code du travail (Cass. Soc 10/03/2004 n°01-44.750).
La période d'essai rompue en raison de la suppression du poste occupé par le salarié, suppose le respect des règles et procédures applicables au licenciement économique.
Enfin et surtout, la période d'essai doit conserver des limites, il est bon pour la sécurité juridique des relations de travail et des salariés qu'il n'y ait pas que la Cour de cassation pour s'en rappeler.