En effet, depuis l’arrêt Pain du 1er juillet 2009 et plus récemment avec les deux décisions du 8 juin 2011, la Cour de cassation a décidé que les dispositions conventionnelles catégorielles devaient désormais reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence. Elle a précisé que repose sur une raison objective et pertinente la stipulation d’un accord collectif qui fonde une différence de traitement sur une différence de catégorie professionnelle, dès lors qu’elle a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d’une catégorie déterminée, tenant notamment (mais pas exclusivement) aux conditions d’exercice des fonctions, à l’évolution de carrière ou aux modalités de rémunération.


Dans ses arrêts de juin 2011, la Haute cour a ainsi donné aux juges du fond une grille d’analyse permettant de contrôler si les dispositions conventionnelles ne heurtaient pas le principe d’égalité de traitement. Se posait alors la question de savoir comment cette méthodologie allait être appréciée par les juges du fond et quelles pouvaient être à terme les conséquences sur les accords collectifs.


Dans ce cadre, le jugement du TGI de Paris du 29 novembre 2011 a particulièrement retenu notre attention. En effet jusqu’à présent, les contentieux étaient circonscrits à des demandes individuelles visant pour un salarié à obtenir un avantage plus favorable prévu dans l’accord collectif pour une autre catégorie de personnel.


Mais devant le TGI de Paris c’est un autre enjeu qui se jouait, celui d’une convention collective de branche. En effet, et pour la première fois deux organisations syndicales (la CGT et la CFDT) ont décidé de contester devant le juge plusieurs articles de la convention collective de branche SYNTEC (Personnel des Bureaux d'Études Techniques, des Cabinets d'Ingénieurs-Conseils et des Sociétés de Conseils) sur le fondement de l’égalité de traitement entre cadres et non cadres.


En l’espèce, il s’agissait des articles relatifs à la durée du préavis, l’indemnité de licenciement, le paiement du travail habituel de nuit, du dimanche et des jours fériés, l’indemnité complémentaire pour incapacité temporaire de travail, les moyens de transport pour les déplacements professionnels.


Une démarche inédite et pour le moins dangereuse puisque comme l’indique le TGI de Paris, des dispositions considérées comme contraires à l’égalité de traitement ne pouvaient qu’être annulées, les partenaires sociaux devant alors en tirer toutes les conséquences. Le prononcé de l’illicéité des clauses et leur annulation emportait le risque de priver les salariés des avantages prévus par l’accord de branche, et ainsi de les faire basculer vers les dispositions minimales du code du travail existantes ou non en la matière.


Respectant le mode d’emploi de la Haute cour, le TGI de Paris a procédé à une analyse in abstracto détaillée de chacun des avantages contestés afin de déterminer si ces mesures conventionnelles étaient justifiées au regard de la spécificité de la situation des salariés cadres. Considérant ainsi que les différences étaient fondées sur la nature des missions, les conditions d’exercice des fonctions, le montant et la composition de la rémunération de ces catégories, il n’y avait pas d’atteinte au principe d’égalité, le TGI de Paris a donc débouté intégralement les deux syndicats de leurs demandes, validant ainsi les dispositions conventionnelles de la convention collective SYNTEC.


Au-delà de ce jugement, qui par ailleurs est frappé d’appel, il reste à souligner que le débat est encore loin d’être clos. L’examen des raisons objectives s’effectue toujours avantage par avantage, et ne tient donc pas compte du caractère global de l’accord collectif et de l’équilibre obtenu. C’est encore une fois le sens des prochaines décisions rendues qui déterminera les actions à entreprendre pour sécuriser les avantages conventionnels catégoriels.