En cas de litige, la charge de la preuve pèse sur l'employeur et non sur le salarié.
La liberté contractuelle permet aux parties de prévoir dans le contrat de travail le versement d'une rémunération variable et de déterminer sa base de calcul. La part variable est généralement calculée en fonction des objectifs ou encore des résultats enregistrés soit par le cadre lui-même, soit par les salariés placés sous son autorité, soit encore par l'entreprise. Toutefois, le salaire étant un élément essentiel du contrat de travail, la Cour de cassation
a saisi l'occasion d'un pourvoi formé devant elle pour réaffirmer qu'en cas de litige sur la part variable, la charge de la preuve des éléments ayant servi au calcul appartient à l'employeur et non au salarié.
En l'espèce, un cadre engagé en qualité de chef de département produits, s'est vu confié le poste de directeur d'entrepôt. Par avenant à son contrat de travail, sa rémunération prévoyait désormais une part variable sous forme d'une prime annuelle. La prime calculée en fonction des objectifs fixés au salarié était basée sur « le résultat net d'exploitation après impôt déduction faite du coût des capitaux investis ».
Licencié pour faute grave, le cadre a décidé de saisir le conseil de prud'hommes pour obtenir le paiement du complément de salaire
au titre de la prime annuelle. Contrairement à la décision de la Cour d'appel de Limoges qui avait débouté le cadre de sa demande aux motifs qu'aucun document comptable exploitable n'avait été produit (sous entendu par le cadre) pour permettre de vérifier le bien fondé et le calcul de la demande formulée, la Haute cour fait droit à la demande du salarié. Elle décide, sur le fondement de l'article 1315 alinéa 1 du code civil relatif à la charge
de la preuve (« celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver »), que lorsque le calcul d'une rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, c'est à ce dernier de les produire. Ainsi, il appartenait à l'employeur de justifier du résultat net d'exploitation après impôt et du coût des capitaux investis pendant la période concernée par la réclamation du cadre.
Cette décision n'est certes pas nouvelle, puisque la Cour de cassation avait déjà statué dans ce sens dans un arrêt du 18 décembre 2001 et plus récemment dans celui du 21 février 2008, mais elle permet d'adresser une piqûre de rappel aux employeurs, ainsi qu'aux cours d'appels qui dans leurs trois arrêts avaient débouté les salariés de leurs demandes.
Aussi, elle rappelle une vérité évidente, si l'article 1315 du code civil met normalement à la charge du demandeur la preuve de ses demandes, par exception il est logique que l'employeur, qui seul détenait les éléments comptables permettant de fixer ou de vérifier la part variable de la rémunération du cadre, soit en obligation de le faire.
La décision de septembre 2008, doit sans nul doute être rapprochée de celle du 18 juin 2008 dans laquelle la Haute cour a tranché la question de savoir si l'employeur pouvait refuser de communiquer au salarié des données servant de base de calcul de sa rémunération.
En l'espèce, il s'agissait de deux VRP payés à la commission selon un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé par les intéressés et la marge dégagée sur leur secteur. Si leur contrat de travail précisait bien les taux appliqués selon la marge atteinte, il restait muet sur les modalités de calcul de cette marge et donc des commissions. Après avoir sollicité, à plusieurs reprises et sans succès, leur employeur pour obtenir les éléments d'informations nécessaires à la vérification du calcul de leur rémunération, les deux salariés ont pris acte de la rupture aux torts de l'employeur et ont saisi le conseil de prud'hommes afin que cette rupture produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Alors que le conseil de prud'hommes puis la cour d'appel avait donné raison aux deux cadres, l'employeur s'est pourvu en cassation en arguant que sauf abus ou mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail, il était
en droit de refuser de communiquer à un salarié certaines données intégrées dans le calcul de sa rémunération si la divulgation des informations était de nature à porter atteinte aux intérêts légitimes de l'entreprise. Plus précisément, l'employeur considérait que ces informations ne devaient pas être révélées dans le cas où les VRP iraient travailler pour un concurrent.
Sans retenir aucun des arguments de l'employeur, la Cour de cassation a approuvé la position des juges du fond et a affirmé que le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail.
Pour la Haute cour la chose juridique est claire, l'opacité n'est pas de mise en matière de salaire et aucun sacro saint principe du secret des affaires ne peut la justifier. Tous les salariés, disposent du droit élémentaire et fondamental de connaître les bases de calcul de leur salaire, lequel est un élément essentiel du contrat de travail.
Ainsi, il appartenait à l'employeur de choisir pour la détermination de la partie variable de la rémunération des éléments qui pouvaient être portés à la connaissance des salariés et vérifiables par eux. Le respect des obligations (contractuelles et non contractuelles) n'est pas uniquement à la
charge du salarié, l'employeur doit exécuté le contrat de travail de bonne foi et respecter une certaine obligation de loyauté.
Il reste à souligner que les décisions de la Cour de cassation s'inscrit dans la volonté de développer la lisibilité des droits contractuels, particulièrement importante pour les cadres et ingénieurs qui plus que les autres salariés sont soumis à de nombreuses clauses contractuelles.