Dans de nombreux arrêts, que nous avions commenté, nous nous étions inquiétés de savoir ce qu'il restait du principe de portée générale. En effet, avaient été reconnues comme justification objective de différence de traitement de nombreuses situations d'espèces. Cela nous amenait à nous poser la question de savoir comment, en faisant droit à une multitude de situations très différentes les unes des autres pour justifier une différence de rémunération, la Haute cour continuerait de veiller à limiter l'arbitraire en matière salariale.


On peut penser que la Cour de cassation n'avait pas suffisamment apprécié l'impact de sa jurisprudence sur les juridictions de rang inférieur. Elle a donc été obligée de préciser sa position sur l'application du principe.


Ainsi, dans un arrêt du 15/05/2007 (n°05-42.894), la chambre sociale de la Cour de cassation précise qu'une différence de statut juridique ne suffit pas à elle seule à caractériser une différence de situation. Une différence de traitement doit reposer sur des raisons objectives (le diplôme, la compétence notoire ou la difficulté des formations assurées) dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.


Pour mémoire un an auparavant, dans un arrêt du 28/04/2006 (n°03-47.171), la Haute cour avait admis qu'un intermittent du spectacle peut être mieux rémunéré qu'un salarié sous CDI. Elle avait considéré que la rémunération d'un même emploi, à condition de ne pas être inférieure à celle d'un salarié occupant cet emploi en CDI, peut tenir compte de la situation juridique du salarié dans l'entreprise.


Un salarié en CDI et un intermittent du spectacle avaient des statuts juridiques différents, le salarié en CDI bénéficiait d'une « situation plus stable » à laquelle sont attachés des avantages tels que l'accès à une mutuelle ou à un plan d'épargne entreprise et cela caractérisait des raisons objectives pour une différence de rémunération.


Pour l'espèce qui nous intéresse, les juges du fond ont adopté une solution critiquable mais somme toute conforme à la position tenue par la Cour de Cassation dans l'arrêt d'avril 2006. Ainsi, six formateurs qui exerçaient leur activité en CDI ont saisi le Conseil de prud'hommes pour violation du principe « à travail égal, salaire égal ». Ils faisaient valoir que des formateurs occasionnels ou vacataires bénéficiaient de rémunérations plus importantes que les leurs.


Le Conseil de prud'hommes et la Cour d'appel ont rejeté leur demande aux motifs que les règles applicables variaient selon le statut des personnes dispensant des heures de formation, un formateur occasionnel ou vacataire ne se trouve pas dans une situation identique à celle d'un salarié sous CDI. La Cour d'appel ajoute qu'un taux horaire plus important pour un formateur occasionnel ou vacataire peut s'expliquer par la précarité de leur situation.


La décision a été cassée par la Haute cour, qui en a donc profité pour apporter des précisions à une solution dégagée dans un arrêt à qui elle a accordé tous les honneurs dans son rapport rendu public en avril 2007.


Cette volonté de la chambre sociale de préciser les décisions rendues en matière d'égalité de rémunération n'est pas isolée. En effet, dans un arrêt du 21/02/2007 (n°05-43.126) elle a posé les conditions dans lesquelles les salariés peuvent être rémunérés différemment selon qu'ils sont embauchés avant ou après l'entrée en vigueur d'un accord collectif.


Ainsi, elle décide que la seule circonstance que les salariés aient été embauchés avant ou après l'entrée en vigueur d'un accord collectif ne peut justifier des différences de traitement entre eux, dans la mesure où cet accord n'a pas pour objet de compenser un préjudice subi par les salariés présents dans l'entreprise lors de son entrée en vigueur.


De cette décision, on peut déduire un principe et une exception. L'employeur ne peut en principe rémunérer différemment des salariés selon la date d'entrée en vigueur d'un accord collectif. Il ne peut pas d'avantage se réfugier derrière la seule application du résultat de la négociation collective.


Le principe suppose une exception, lorsque l'accord réserve un avantage aux salariés présents dans l'entreprise lors de l'entrée en vigueur de l'accord collectif afin de compenser un préjudice subi par ces derniers.


On se souvient des précédentes décisions prises par la Cour de cassation qui avaient admis des différences de traitement d'origine conventionnelle et notamment l'arrêt du 01/12/2005 (n° 03-47.197) qui considérait qu'un accord de 35 heures peut réserver l'indemnité différentielle de salaire aux salariés présents dans l'entreprise le jour de la signature de l'accord, dans la mesure où elle compense la diminution du salaire de base consécutive à la réduction du temps de travail.


Au moment de la publication de cet arrêt, nous avions considéré que cette décision portait une atteinte au principe d'égalité de traitement. En effet, la Loi AUBRY II et la Circulaire du 03/03/2000 ont crée une indemnité différentielle permettant aux salariés payés au SMIC de bénéficier d'une garantie de rémunération pour les salariés embauchés postérieurement à l'accord des 35 heures. Ainsi, il aurait été plus égalitaire que cette règle s'applique à tous les salariés embauchés postérieurement à un accord de RTT qui prévoit une indemnité différentielle de salaire.


Espérons donc que les précisions jurisprudentielles de la Cour de cassation en matière d'égalité de traitement profitent aux salariés. En effet, le seul principe légal à opposer au slogan cher au Gouvernement « travailler plus pour gagner plus », qui va créer des disparités salariales entre les salariés, doit rester « à travail égal, salaire égal » et le principe revendicatif doit être en faveur de l'augmentation des salaires et du pouvoir d'achat de tous les salariés : « gagner plus, à travail égal ».