Les femmes cadres ne sont pas en reste. Si le taux de féminisation de l’encadrement connaît une évolution croissante passant de 24% en 1982 à plus de 37% en 2015, d’importantes disparités demeurent selon les fonctions et les secteurs d’activité. Ces disparités se renforcent avec le niveau hiérarchique. Malgré l’élévation de leur niveau de qualification et de compétence, les femmes cadres continuent de percevoir une rémunération inférieure de 21% à celle de leurs homologues masculins. Quant au fameux « plafond de verre » qui désigne les barrières invisibles et artificielles érigées par des préjugés d’ordre comportemental et organisationnel, il continue d’empêcher les femmes d’accéder aux plus hautes responsabilités. Elles sont ainsi plus rares parmi les cadres dirigeants : dans les 126 000 entreprises ou groupes de plus de 10 personnes, le taux de féminisation des postes de PDG avoisine les 10% avec moins de 12 000 femmes à la tête des entreprises. Si dans les entreprises de 11 à 20 salariés les femmes assurent la direction, dans 11% des cas ce taux tombe à 2,9% pour les entreprises de plus de 500 salariés. Elles ont à faire face également aux « cloisons de verre », phénomène qui se traduit par un cantonnement dans les fonctions à dominante administrative ou tertiaire. Parmi les femmes cadres, 73% sont cadres administratifs et commerciaux, 27% sont ingénieurs et cadres techniques. Enfin, elles subissent les effets du « plancher collant », les femmes cadres ayant tendance à rester considérées comme plus proches des non cadres que les hommes.
Les modes de management et de recrutement sont tout aussi déterminants dans le renforcement de ces inégalités. Lorsque les femmes sont exclues des postes à haute responsabilité, ce n’est nullement par manque de compétences mais tout simplement pour éviter qu’en tant que femmes elles ne viennent déconstruire les schèmes mentaux des décideurs eux-mêmes. S’ajoute à cela le poids des stéréotypes tenaces qui tendent à évincer les femmes sous prétexte qu’elles privilégieraient leur vie personnelle à leur vie professionnelle, et à les culpabiliser en les qualifiant de « mauvaises mères » lorsque celles-ci font preuve de réussite et d’audace.
Si plus personne ne conteste aujourd'hui la véracité de ces inégalités, l'inscription du seul principe d'égalité hommes-femmes dans le droit ne suffit pas à garantir sa transposition concrète. Les facteurs qui concourent à creuser ces écarts sont multiples allant du poids des mentalités aux responsabilités des entreprises, en passant par l’impact déterminant de l’orientation scolaire. Très souvent dès l’enseignement secondaire, les dés sont jetés. Le choix d’une filière se répercute dans l’enseignement supérieur au sortir des formations et lors de l’insertion professionnelle. En 2015, 57% des étudiants à l’université sont des femmes et 28% seulement sont élèves d’écoles d’ingénieurs. A cela s’ajoute le poids des normes socioculturelles qui dans bien des cas sont lourdes de conséquences lorsqu’elles conditionnent une moindre attente en terme de carrière vis-à-vis des filles voire une orientation vers des filières déjà féminisées.
De tout évidence les textes législatifs ou réglementaires adoptés depuis plus de 30 ans n’ont pas permis de corriger ces disparités et l’attribution d’un « label égalité » aux entreprises a de quoi laisser perplexe. Depuis la loi dite "Génisson" du 9 mai 2001 faisant de l'égalité professionnelle un axe de négociation annuelle obligatoire, à la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes en passant par la dernière loi du 23 mars 2006 avec pour objectif l’égalité salariale avant 2010, force est de constater que l’égalité hommes-femmes progresse lentement. Pourtant la réduction des inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes est de l’intérêt même des entreprises. Le renforcement de la place des femmes au niveau du management joue en faveur d’un avantage compétitif ; mais sans volontarisme des directions d’entreprises, la situation a peu de chance d’évoluer.
Dans tous les cas il est indispensable que les dispositifs légaux en matière d’égalité professionnelle s’accompagnent de sanctions financières lorsque ces derniers ne sont ni respectés, ni appliqués. Le principe « à travail égal, salaire égal » demeure plus que jamais d’actualité.
Pour accroître la mixité sociale dans l’encadrement il est donc impératif que la discrimination dès les premières phases de recrutement soit proscrite. Le recrutement doit refléter la répartition des candidatures entre les femmes et les hommes.
Pour cela, il convient selon FO-Cadres de fixer un objectif de recrutement proportionnel aux taux de féminisation des filières de formation concernées, et de manière plus générale aux candidatures féminines conformes au poste reçues, et de développer les compétences managériales des femmes dans le cadre de la formation continue.
Il est également indispensable de réviser les procédures de gestion de carrière des cadres pour intégrer les contraintes liées notamment à la maternité et aux premières années de socialisation des enfants. Il s’agit de favoriser la « parentalité » dans le cadre professionnel en facilitant l’articulation vie privée/vie en entreprise et adapter au mieux l’organisation du temps de travail tout en refusant le culte du présentéisme comme seul critère d’efficacité.
Les critères d’embauche doivent être fondés sur les compétences requises et la qualification des candidats et non sur l’appartenance du genre.
Les offres de mobilités internes et externes doivent s’adresser, sans distinction, aux femmes et aux hommes.
Il est important également que l'accès des femmes et des hommes à des emplois où elles/ils sont peu représentés et auxquels elles/ils souhaitent avoir accès soit amélioré
L'accès des femmes aux postes à responsabilité doit être favorisé pour tendre vers un objectif d’une représentation équilibrée. Cela doit être envisagé par des politiques managériales permettant aux femmes de rattraper leur évolution de carrière quand celle-ci est interrompue suite notamment à la maternité.
Une attention particulière devra être portée à l’organisation du travail de l’encadrement afin de favoriser la promotion et l’évolution interne du personnel féminin.
Il faut modifier l’organisation du travail pour tenir compte des responsabilités parentales et professionnelles des hommes comme des femmes et permettre un accès égal aux congés parentaux.
Pour FO-Cadres, agir pour l’égalité professionnelle est une exigence qui nous concerne tous. Elle est au-delà de la question du genre, un réel combat pour que le principe républicain d’égalité ne soit plus un simple effet de langage.
Paris, le 8 mars 2016