Un index instauré pour mesurer les inégalités salariales
L’index égalité professionnelle a été mis en place par la loi du 5 septembre 2018 pour contraindre les entreprises de plus de 50 salariés à évaluer et à corriger les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Son calcul repose sur cinq critères, attribuant un score global sur 100 points. Une entreprise obtenant moins de 75 points doit mettre en œuvre des mesures correctives sous peine de sanctions financières.
Dans son rapport, la Cour des comptes reconnaît que cet outil a conduit à une prise de conscience et a encouragé une certaine transparence. Cependant, elle souligne que son efficacité reste limitée, notamment parce qu’il ne couvre qu’une partie du marché du travail et qu’il présente plusieurs biais méthodologiques.
Un dispositif qui exclut une large part des salariés et atténue les écarts réels
L’un des principaux reproches formulés par la Cour des comptes concerne le périmètre d’application de l’index. Il ne concerne que les entreprises de plus de 50 salariés, excluant ainsi 44 % des travailleurs du secteur privé. De plus, parmi les entreprises soumises à cette obligation, un nombre significatif ne publie pas leurs résultats : en 2023, 14 % d’entre elles n’ont pas déclaré leur index, et 41 % des plus petites ont indiqué qu’il était « incalculable » faute d’effectifs suffisants.
Le rapport met en évidence les limites de la méthode de calcul de l’index. L’application d’un seuil de « pertinence » de 5 % sur l’indicateur d’écart salarial a pour effet de neutraliser certaines inégalités. Par exemple, une entreprise où le salaire moyen des hommes est de 32 000 € et celui des femmes de 30 400 € (soit un écart de 5 %) ne verra pas cette différence reflétée dans son score final. La Cour estime que cet effet masque une partie des disparités existantes.
Des sanctions peu appliquées et une efficacité remise en question
Le rapport souligne également le faible impact du volet répressif de l’index. En théorie, les entreprises ne respectant pas le seuil minimal de 75 points s’exposent à des sanctions financières. Pourtant, entre 2021 et 2024, seules 120 pénalités ont été infligées, alors que plus de 30 000 interventions de l’inspection du travail ont eu lieu sur cette période. La Cour pointe ainsi une application laxiste des sanctions, réduisant la portée contraignante du dispositif.
En dépit d’une note moyenne en progression (88/100 en 2023, +2 % par rapport à 2022), la Cour estime que l’index n’a pas permis de résorber les inégalités salariales de manière significative. De plus, elle observe que certaines entreprises obtiennent de bons scores sans pour autant adopter de véritables politiques d’égalité salariale, ce qui en fait un outil plus déclaratif qu’opérationnel.
Vers une refonte du dispositif ?
Le rapport relève que l’index égalité professionnelle s’inscrit dans un cadre réglementaire déjà dense. Il coexiste avec d’autres obligations, comme la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE), ce qui complexifie les démarches pour les entreprises et peut limiter leur appropriation du dispositif. La Cour constate que cet empilement normatif, au lieu de renforcer l’efficacité de la politique d’égalité, contribue à la rendre plus confuse.
Enfin, la Cour des comptes mentionne la directive européenne 2023/970 du 10 mai 2023, qui pourrait conduire à une révision des règles en matière de transparence salariale. Bien que les contours de son application en France restent à préciser, elle pourrait renforcer les obligations pesant sur les entreprises et pallier certaines limites de l’index.
Le rapport de la Cour des comptes : urlr.me/6W7NpZ