Les discriminations et le harcèlement au travail restent une réalité préoccupante en France. Selon le dernier baromètre du Défenseur des droits et de l’OIT, près de 70 % des actifs estiment que de nombreuses personnes sont victimes de discriminations liées à leur état de santé, leur handicap, leur origine ou leur sexe. Plus d’un tiers des travailleurs a déjà été témoin de telles situations, et près d’un sur trois en a personnellement été victime. Pourtant, les dispositifs de signalement et de protection restent peu utilisés, souvent par crainte de représailles ou par manque d’information sur les démarches à entreprendre.
Les employeurs ont donc une responsabilité renforcée : ils doivent prévenir ces situations et réagir efficacement lorsqu’un employé se dit victime ou témoin de discrimination ou de harcèlement. Cela implique la mise en place d’enquêtes internes rigoureuses, respectant les principes de confidentialité, d’impartialité, d’objectivité et de rigueur.
Dans cette décision-cadre, plusieurs recommandations structurent la méthodologie à adopter :
- La cellule d’écoute et le dispositif de signalement doivent être facilement accessibles au travers de différents canaux : e-mail, téléphone, chat en ligne et/ou accueil physique.
- La cellule d’écoute et le dispositif de signalement doivent être largement accessibles à l’ensemble des agents et salariés, y compris les intérimaires, stagiaires, apprentis, volontaires en service civique et bénévoles.
- Dans certaines hypothèses où il y a une pluralité d’employeurs, l’entité qui reçoit le signalement ne sera pas nécessairement celle qui aura l’obligation de le traiter ; l’enquête interne peut être menée conjointement.
- Afin d’améliorer l’efficacité des dispositifs de signalement, l’entreprise privée ou l’administration publique doit accuser réception de tout signalement.
- Le fait qu’un signalement soit anonyme ne doit pas empêcher son traitement ; il faut tenir compte de la gravité des faits et des éléments transmis.
- Le dispositif de signalement doit garantir la stricte confidentialité des informations recueillies.
- Informer les personnes ayant signalé les faits de l’ouverture d’une enquête interne, sauf si cela présente un risque de pression.
- Les représentants du personnel doivent être informés lorsqu’ils sont à l’origine du signalement dans le cadre de leur droit d’alerte.
- Anticiper la reprise d’activité des victimes en échangeant avec elles sur les mesures de protection à mettre en place.
- Prendre en compte la dégradation de l’état de santé de la personne qui a signalé les faits et proposer un aménagement du poste de travail si nécessaire.
- L’éloignement temporaire de la personne mise en cause peut être nécessaire pour protéger la victime présumée et l’intérêt du service.
- Rappeler aux victimes et aux témoins qu’ils sont protégés contre les représailles.
- L’interdiction des représailles doit être rappelée par écrit à la victime présumée et aux témoins le plus tôt possible.
- La méthodologie de l’enquête interne doit être fixée en amont et formalisée après information des instances représentatives du personnel.
- Chaque étape de l’enquête doit être retranscrite par écrit afin d’en assurer la traçabilité.
- L’information de la personne mise en cause doit être privilégiée pour garantir l’impartialité, sauf si un risque de pression existe.
- L’enquête doit être menée ou supervisée par au moins deux personnes pour garantir l’objectivité et l’impartialité.
- Lorsque l’enquête interne est menée conjointement avec des représentants du personnel, ceux-ci doivent être impliqués à chaque étape de la méthodologie.
- L’employeur doit s’abstenir d’exercer toute forme de pression sur l’enquêteur.
- L’enquêteur doit être une personne extérieure au service où se sont déroulés les faits.
- Les enquêteurs doivent être formés juridiquement sur les discriminations, le harcèlement sexuel et les techniques d’audition.
- Avant de confier une enquête à un prestataire externe, s’assurer des compétences juridiques de l’intervenant.
- La victime présumée, la personne mise en cause et les témoins pertinents doivent être auditionnés.
- La victime présumée ou la personne mise en cause en arrêt maladie doit pouvoir être entendue si elle le souhaite.
- Les auditions doivent être retranscrites de manière quasi exhaustive et soumises à la signature de la personne auditionnée.
- Le rapport d’enquête doit exposer les faits allégués, les mesures de protection mises en place, les étapes de l’enquête, les justifications de la personne mise en cause et les propositions de qualification juridique.
- Les enquêteurs doivent veiller à la rédaction objective du rapport d’enquête.
- La qualification juridique des faits revient à l’employeur et doit être réalisée avec la plus grande attention.
- Éviter de minimiser les faits ou de les justifier par leur caractère humoristique.
- L’encadrant qui s’abstient de transmettre un signalement de discrimination doit faire l’objet de sanctions disciplinaires.
- Dans l’emploi public, les victimes présumées doivent être entendues dans le cadre de la procédure disciplinaire.
- Informer les victimes de l’issue de la procédure disciplinaire.
- Prendre en compte la situation des salariés et agents postérieurement à l’enquête interne et proposer un accompagnement à long terme.
- Transmettre aux référents égalité et représentants du personnel un bilan annuel des signalements anonymisés.
- L’enquête interne doit permettre de recueillir des éléments probants en garantissant le respect des droits de toutes les parties.
- Une attention particulière doit être portée aux cas de harcèlement sexuel d’ambiance.
- Les enquêteurs doivent être formés aux biais cognitifs pour éviter des interprétations erronées.
- Organiser un suivi post-enquête pour éviter d’éventuelles représailles ou conséquences négatives pour la victime.
- Diffuser régulièrement l’information sur les dispositifs de signalement auprès des agents et salariés.
- Mettre en place une communication spécifique sur les droits des victimes et des témoins.
- Être particulièrement vigilant quant aux justifications invoquées par les mis en cause.
- Impliquer activement la hiérarchie dans la prévention et le traitement des discriminations.
- Assurer la confidentialité des signalements même en cas de contentieux judiciaire.
- Veiller à ce que les sanctions disciplinaires soient effectives, proportionnées et dissuasives.
- Garantir le respect du contradictoire tout au long de l’enquête interne.
- Mettre en place des procédures internes de réexamen des conclusions des enquêtes.
- Accorder une attention spécifique au harcèlement discriminatoire et à ses impacts.
- Renforcer l’implication des médecins du travail dans l’accompagnement des victimes de discrimination.
- Garantir la prise en compte des signalements de harcèlement et discrimination au sein des bilans sociaux annuels.