L’évolution jurisprudentielle
Dès 1996, la Haute Cour décline le principe d’égalité en affirmant dans son arrêt Ponsolle la règle générale « à travail égal, salaire égal »[1]. L’espèce concernait une différence de rémunération ente deux salariées chargées d’une même fonction, l’employeur étant tenu d’assurer « l’égalité de rémunération entre tous les salariés de l’un ou l’autre sexe, pour autant que les salariés en cause soient placés dans une situation identique ».
Elle s’est ensuite prononcée quant à la validité de différence de rémunération, en consacrant le principe selon lequel « la différence de traitement entre les salariés placés dans la même situation doit reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence »[2]. Ainsi, l’employeur peut accorder des avantages à certains salariés dès lors que tous les collaborateurs placés dans une situation identique en bénéficient. Le contrôle s’opère sur les conditions d’octroi, les raisons objectives, pertinentes de différence et la proportionnalité de la raison invoquée.
La menace sur les avantages catégoriels conventionnels
La Chambre sociale a affiné sa jurisprudence propre aux avantages catégoriels en précisant que « la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l’attribution d’un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence ». Cette position adoptée, pour un avantage catégoriel (cadre/non-cadre) octroyé par la décision unilatérale de l’employeur a ensuite été étendue aux avantages octroyés par un accord collectif d’entreprise.[3]
La seule appartenance à la catégorie de cadres ne justifiait dès lors plus le bénéfice d’avantages catégoriels accordés par voie conventionnelle. L’édifice conventionnel semblait remis en cause et l’attribution d'avantages négociés à la catégorie des cadres menacée. Confirmant sa ligne jurisprudentielle, la Cour retient que « l’employeur devait démontrer que ces différences de traitement opérées par voie conventionnelle étaient justifiées par des raisons objectives ».[4]
Cependant, la Cour a considérablement modifié sa position en reconnaissant dans plusieurs arrêts rendus en 2015[5] une présomption d’objectivité et de pertinence des avantages catégoriels négociés lorsqu’ils sont signés par des organisations syndicales représentatives. La charge de la preuve est inversée puisqu’il appartient dès lors à celui qui les conteste de démontrer que ces avantages sont étrangers à toute considération de nature professionnelle. Elle reconnait ainsi les spécificités des catégories professionnelles par l’existence d’avantages associés et prévus par les conventions et accords collectifs de travail.
L’extension de la présomption de justification
Cette présomption de justification a même été étendue récemment, dans un arrêt du 8 juin 2016[6]. En l’espèce, une indemnité de logement était versée aux cadres occupant la fonction de chef d’agence. Des employés et des cadres n’occupant pas cette fonction ont invoqué une violation du principe d’égalité de traitement. La Haute juridiction a complété sa jurisprudence antérieure en précisant que « les différences de traitement entre les catégories professionnelles ou entre des salariés exerçant, au sein d’une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie de convention ou d’accord collectifs, négociés et signés par les organisations syndicales représentatives, […]sont présumées justifiées ».
La jurisprudence de la Cour tend davantage à prendre en compte l’existence d’accords collectifs afin de ne pas opérer de contrôle. Elle envoie un signe de confiance aux interlocuteurs sociaux qui ont la qualité pour négocier des différences de traitement justifiées par des considérations de nature professionnelle. Ils se voient reconnaître la capacité à déroger au principe d’égalité de traitement en présence de considérations de cette nature.
[1] Cour de cassation, 29/10/96 n°92-43680
[2] Cour de cassation 15/05/07 n° 05-42894 et n° 05-42895
[3] Cour de cassation, 20/02/08 n° 05-45601 et arrêt Pain, Cour de cassation, 1/07/09 n°07-42675
[4] Cour de cassation, 8/06/11 n° 10-14725 et 10-11933
[5] Notamment Cour de cassation, 27/01/2015 n° 13-22179, n°13-14773, n°13-25437
[6] Cour de Cassation, 8/06/16, n°15-11324