C'est oublier que l'entreprise n'est pas un lieu de démocratie au sens où le salarié n'est pas à égalité de pouvoir face à son employeur. Il ne dispose pas à sa guise du recours aux heures supplémentaires, alors que celles décidées par l'employeur sont obligatoires.
De plus, les salariés français sont parmi les plus productifs. Et que dire sur ce point de la majorité des cadres. Ces salariés qui représentent plus de 15% de la population active et dont le temps de travail ne cesse de s'allonger avec des durées de plus de 55 heures par semaine. Plus encore de ceux qui au forfait jours, c'est-à-dire les deux tiers, échappent à toutes références horaires dans le décompte de leur temps de travail.
Tous ces cadres devront-ils travailler plus qu'ils ne le font déjà, et pour pas plus ? Devront-ils travailler au-delà des limites maximales prévues à ce jour par loi, à savoir 218 jours par an ? Devront-ils accepter une dégradation supplémentaire de leur condition de travail alors même que l'intensification des rythmes et les exigences de performance trouvent quotidiennement leurs limites dans les entreprises ?
Devront-ils renoncer à leurs jours de RTT et se voir une fois de plus proposer par un marché de dupes, leur rachat ? Où bien alors seront-ils conduits à devoir alimenter indéfiniment leur compte épargne temps ?
Une chose est sure, les cadres n'entendent pas renoncer à la réduction du temps de travail, ni à son aménagement. Les 35 heures n'ont pas été la panacée, mais les accords conclus sont aujourd'hui des acquis sur lesquels les cadres n'entendent pas revenir.
Ils ne cherchent pas à travailler plus pour gagner plus ; ils travaillent déjà plus d'heures qu'ils ne le souhaitent, sans pour autant disposer du temps nécessaire pour exécuter correctement leur travail.
Ils cherchent à pouvoir exercer leur activité sans devoir se plier à un management d'un autre temps. Un management où le présentéisme est considéré comme la mesure idéale de la performance, où les horaires sans fin investissent la sphère privée, où chacun est conduit au seuil de son incompétence par des charges de travail incompressibles, des objectifs irréalistes, non négociés et imposés unilatéralement par les directions.
Tout cela ne se justifie plus. A ce rythme, les cadres auront vite fait de renoncer à la fidélité de leur entreprise, à se lasser et à perdre toute motivation voire une grande partie de leur potentiel et de leurs capacités de performance.
Il est évident que les employeurs, auront pour leur part recours aux heures supplémentaires en lieu et place des embauches. Ce sera un effet d'aubaine.
Il faut aussi prendre en compte que ces nouvelles mesures assises sur l'exonération des cotisations sociales et sur la défiscalisation priveront une fois de plus l'ensemble de nos systèmes de protection sociale des ressources nécessaires au maintien de leurs missions.
C'est d'une amélioration du temps de travail dont les cadres manquent le plus souvent et non de temps de travail. Ce constat n'excluant bien évidemment pas l'urgence d'une véritable reconnaissance salariale de leur investissement professionnel.
Ne nous leurrons pas. Le véritable défi est celui de la croissance économique, du plein emploi, de l'innovation, de la recherche et du développement dans un modèle de justice et de progrès social. En aucun cas nous ne serions accepter les conditions d'une servitude volontaire où l'abrutissement serait la mesure de toute chose.
Pour les cadres FO, ce n'est pas une question de «plus» ou de «moins», mais une question de « mieux ».


Eric PERES
Secrétaire Général FO-Cadres