De plus en plus d'entreprises prônent ce modèle. Il serait selon elles plus équitable puisque fondé sur les performances réelles de chaque cadre. Pourtant, lorsque l'on s'intéresse aux systèmes d'évaluation mis en place par les entreprises pour juger de la performance des cadres, on voit qu'ils sont peu développés. On se demande alors comment le principe d'équité est respecté dans ces conditions.



Les arguments mis en avant par les entreprises pour justifier l'individualisation des salaires


Selon une enquête menée par la DARES, 46% des entreprises déclarent que l'individualisation motive les salariés et 47% considèrent qu'elle est plus juste que les augmentations indifférenciées. L'incitation à l'effort est présentée comme l'objectif principal de l'individualisation des salaires. Les augmentations individualisées sont ainsi censées se baser sur des critères primordiaux de performance :




  • « l'intensité des efforts déployés par le salarié dans son travail » (pour 82% des entreprises interrogées)

  • « la capacité à répondre à des sollicitations imprévues » (72% des réponses)

  • « La contribution au fonctionnement de l'équipe » (72% des réponses).


Par ailleurs, 71% des employeurs déclarent que ce système permet de valoriser l'adhésion des salariés à la culture d'entreprise c'est à dire « l'implication des salariés dans les objectifs de leur entreprise ».



Les contradictions des arguments qui justifient l'individualisation des salaires


Les employeurs déclarent majoritairement être favorables à la rémunération de la performance car celle-ci permet de motiver les salariés les plus « performants » et de sanctionner les autres.
Pourtant, lorsque l'on s'intéresse aux dispositifs mis en place par les entreprises pour quantifier la performance de leurs salariés, on voit qu'ils sont peu développés : 37% des entreprises accordant uniquement des augmentations individualisées à leurs cadres ne les soumettent pas à une appréciation de leurs performances par leurs supérieurs hiérarchiques. Comment alors peuvent-ils apprécier « objectivement » leur performance ?



Une rigueur salariale uniquement imposée aux cadres


En réalité, l'individualisation des salaires permet de faire l'impasse sur les augmentations collectives du salaires des cadres : les employeurs considèrent que les cadres sont plus attachés à l'atteinte de leurs objectifs qu'à l'augmentation de leur salaire.
Quand on demande aux entreprises « ce qui pousse les salariés non cadres de leur entreprise à s'investir », la majorité répond les incitations salariales. A la même question appliquée aux cadres, la majorité répond que c'est « l'identification aux objectifs de l'entreprise » et seulement une minorité répond « les incitations salariales ». Les employeurs ont donc toujours considéré que les cadres étaient moins attachés à la rémunération que les non cadres.
Aussi, pour faire face à des difficultés conjoncturelles, les directions n'hésitent pas à supprimer toute augmentation de salaire pour les cadres sans généraliser aux non cadres. Cette suppression engendre, selon eux, moins de risques en terme de productivité et de conflit social.Ainsi, 20% des cadres n'ont eu aucune augmentation en 2005 contre 3% des non-cadres...


Individualiser les salaires pour reporter les risques d'entreprise sur le salaire des cadres



Flexibiliser les salaires permet de reporter une partie des risques d'entreprise sur les cadres


Les augmentations de salaire pour les cadres se font donc essentiellement par le biais de primes de performance. Mais pour rétribuer la performance, il faut déjà que les managers soit au fait de la politique de rémunération de leur entreprise. Or, ce n'est pas le cas. Ni les managers, ni les cadres ne peuvent expliquer avec précision tous les critères qui influent sur le montant des primes. Le plus souvent, les managers ne décident d'ailleurs pas des variations de rémunération appliquées à leurs équipes. Les données de la Dares montrent bien que les critères de toute revalorisation salariale sont avant tout les résultats financiers de l'entreprise et les directives du siège.


Même dans les entreprises où les critères de rétribution de la performance sont bien définis et connus, il est fréquent que les bonnes appréciations des cadres soient toutes revues à la baisse . Quand une entreprise connaît une situation économique difficile, les cadres les « plus performants » et les « moins performants », selon les critères en vigueur dans l'entreprise, se voient attribuer le même niveau de primes ou pas du tout.


On comprend alors que les primes de performance censées motiver les cadres les plus performants sont en fait la variable d'ajustement qui permet d'amortir les difficultés financières d'une entreprise.