Compétitivité, que ne dit-on en ton nom !
07/11/2012
Crise du système capitaliste ou faillite d’un système générateur de crise le constat n’est pas nouveau et n’en reste pas moins d’une âpre actualité. Économique, sociale, écologique, la crise renvoie à des traits constants du capitalisme où l’instabilité, la domination, le conflit, l’exploitation et aliénation lui sont historiquement et intrinsèquement liés.
Ce n’est alors pas une surprise de voir soudainement ressurgir à la faveur d’un « loupé » médiatique du chef du Gouvernement, les critiques les plus acerbes à l’endroit des 35 heures, cause selon ses détracteurs de tous les malheurs économiques. Une offensive récurrente qui en plein débat sur le « choc de compétitivité et du rapport Gallois » vient en appui d’un énième assaut lancé sur les charges sociales, jugées une nouvelle fois toujours trop élevées et ce, en dépit des politiques successives d’exonération. Pour 2007, 24,2 Mds sont consacrés aux dispositifs d’allégement des cotisations sociales contre 17,2 Mds pour 2003 et 3Mds en 1993. Un coût qui a dépassé les 30 Mds € dès 2008. Entre 1982 et 2010, ce sont donc pas moins de 1000 milliards d’euros de salaire brut et 400 milliards d’euros de cotisations patronales qui ont basculé des salaires vers les profits sans de réels progrès tangibles sur l’évolution de l’emploi et de l’investissement dans notre pays.
Aussi, vouloir aborder la compétitivité sous l’unique angle du « coût du travail » c’est refuser une fois de plus d’avoir une évaluation complète de la chaîne de valeur et des coûts associés. Cette évaluation doit tenir compte également du coût du capital et des autres ressources financières externes à long terme (dividendes versés aux actionnaires impactant le cash-flow, intérêt d’emprunt) ainsi que des évolutions du taux de change. Oser la compétitivité c’est donc pouvoir ouvrir le débat sur les facteurs hors-coûts (qualité, image, recherche et innovation, organisation du travail, formation, efficacité du réseau, industrialisation,…). C’est pouvoir introduire dans le logiciel de la réflexivité économique la dimension du « mieux vivre au travail », qui est tout sauf une lubie. C’est interroger plus sérieusement les modèles managériaux qui ont par trop d’occasions camouflé derrière le paravent de leurs discours bellicistes leur incapacité à renforcer la cohérence et le sens dans l’entreprise. C’est poser les termes d’un nouveau contrat social autour du nécessaire équilibre entre la contribution et la rétribution sans laquelle il y a peu de chance de renforcer les moyens de coopération au sein de l’entreprise. Oser la compétitivité c’est aussi oser l’imaginaire et la créativité pour soutenir les voies de l’innovation et de la recherche et soutenir l’économie de demain. C’est soutenir la création d’une filière du numérique et assurer notre souveraineté économique face à ce qui sera dans les années à venir une révolution d’une ampleur égale aux précédentes grandes mutations industrielles.
À l’heure où les modèles économiques et sociaux sont interrogés pour apprécier leur efficacité, et envisager des idées nouvelles pour réorienter notre économie, force est de constater que l'externalisation des contrats de travail et des coûts (y compris sociaux), l'intensification des contraintes par la flexibilité, la précarisation généralisée demeurent le seul horizon. Aussi la rationalité économique, en abrasant toutes les possibilités alternatives aux analyses et actions économiques, en réduisant et résumant les finalités de ces mêmes actions à l’aune de la maximisation des profits et de la rentabilité à court terme contribue à atrophier la part de rêve en chacun d’entre nous, l’imagination et la créativité et conséquemment à créer une souffrance.
Autant dire que la situation actuelle oblige de tirer les leçons du passé. Elle invite les pouvoirs publics à plus de volontarisme et d’audace pour contrer les assauts d’un libéralisme destructeur et tourner résolument le dos à l’austérité qui, sous couvert de la rigueur budgétaire appuie le désengagement progressif de la puissance publique, accélère la privatisation des services publics et concourt à la libéralisation de pans entiers de notre économie sociale. Le temps n’est donc plus aux vœux, ni à l’espérance. Comme disait Albert Camus, « l’espoir, au contraire de ce que l’on croit équivaut à la résignation. Et vivre c’est ne pas se résigner ». Le temps est désormais à l’action pour lutter contre la misère et les inégalités dues à l'égoïsme des intérêts particuliers et à la critique de l'inauthenticité de la société marchande, et de l'étouffement des capacités créatives de l'individu, et agir pour un autre choix de société afin de restaurer la confiance autour de plus de justice sociale et de solidarité.
Eric PERES
Secrétaire général FO-Cadres