«La situation de l’IRES est devenue dramatique. Sous l’effet de la baisse conjuguée de la subvention et des effectifs mis à disposition, sa capacité de production de connaissances économiques et sociales s’effondre», alertent les membres du bureau de l’Institut de recherches économiques et sociales dans une lettre ouverte adressée au Premier ministre le 7 novembre.

Elle est signée de l’ensemble des confédérations syndicales qui composent l’IRES, dont FO. Ils demandent à l’État de tenir ses engagements et rappellent l’urgence de trouver une solution dès aujourd’hui. Cette lettre fait suite à de nombreux courriers restés sans réponse officielle, alors que la loi de finances 2014 est sur le point d’être adoptée.

Depuis 2010, la subvention publique de l’institut, qui sert à rémunérer le personnel et à financer les publications, a baissé de 20% hors inflation. La situation s’est fortement dégradée en 2013 avec une nouvelle perte de 13%. Et les pers­pectives pour 2014 ne sont pas réjouissantes. «Il y aura une ligne budgétaire pluriannuelle légèrement en fléchissement, mais nous ne savons pas exactement de combien», explique Benoît Robin, sous-directeur de l’IRES.

Quant aux effectifs, ils s’amenuisent comme peau de chagrin. L’institut emploie vingt-six permanents, dont six fonctionnaires détachés. Ils étaient douze en 2010 et il n’en restera bientôt que trois. Ces chercheurs, issus de l’INSEE, du ministère du Travail ou de l’Enseignement, sont en mission à l’IRES mais restent rémunérés par leurs administrations d’origine. En ces temps d’austérité, chaque administration compte désormais ses troupes et ses sous.

Refinancer les douze postes détachés


En 2013, pour éviter de faire supporter toute la baisse de budget à l’IRES, les organisations syndicales ont réduit leur quote-part des subventions servant à financer des études spécifiques. «En trois ans, nous n’avons commandé que quatre études annuelles en propre au lieu de six, mais nous ne pourrons pas aller en deçà», explique Pascal Pavageau, Secrétaire confédéral FO chargé de l’Économie. Désormais, c’est la survie même de l’IRES qui est en jeu. Lors de la cérémonie des trente ans de l’institut en janvier dernier, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, avait fait de grands discours sur son utilité et son apport au dialogue social. Mais depuis c’est le silence, malgré les nombreuses relances.

«L’ensemble des secrétaires généraux des organisations syndicales ont signé un même courrier, c’est rarissime et pourtant nous n’avons même pas reçu d’accusé de réception, poursuit Benoît Robin. De la part d’un gouvernement qui met en avant le dialogue social, c’est surprenant.» Car les productions de l’IRES sont capitales pour les syndicats, notamment pour établir leurs analyses lors des conférences sociales.

Pour 2014, les organisations syndicales veulent bâtir un plan de sauvegarde de l’institut. Parmi les scénarios envisagés, elles proposent de revaloriser le budget en y intégrant le refinancement des douze postes détachés, pour sécuriser la situation de ces fonctionnaires et le dispositif. La somme serait ensuite reversée aux administrations d’origine. Sans ces postes de chercheurs, difficile pour l’IRES de mener à bien ses missions.

Qu'est-ce que l'IRES ? Un outil au service de la recherche sociale

L’IRES est un outil primordial pour nourrir le dialogue social. L’Institut de recherches économiques et sociales (IRES) a été fondé en 1982 et inauguré par Pierre Mauroy, à la suite d’une prise de conscience de gouvernements de droite comme de gauche. Il rassemble pour la première fois six organisations syndicales: CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, CGT-FO et FEN (aujourd’hui représentées par UNSA Éducation). Il remplit une double mission au service des organisations syndicales représentatives des travailleurs. C’est à la fois un centre de recherche et de documentation socio-économique et une agence d’objectifs commune aux organisations syndicales.

Le centre réalise son propre programme scientifique de recherches approuvé par le conseil d’administration. Ses enquêtes, études et synthèses donnent lieu à des colloques, des séminaires, des communications et à l’édition de documents, dont la revue trimestrielle.

Des analyses du point de vue du salarié

En tant qu’agence, l’IRES conduit des études et des travaux de recherche spécifiques à la demande et sous la responsabilité de chacune des organisations syndicales, après accord du conseil d’administration. Les résultats de ces travaux sont ensuite accessibles à l’ensemble des organisations syndicales.

Cet institut répond aux besoins de pluralisme de l’analyse économique et sociale des organisations syndicales, afin de nourrir leur réflexion et le dialogue social. Il leur apporte des éléments d’appréciation sur l’ensemble des questions économiques et sociales, du point de vue des salariés et du travail, face aux analyses libérales et aux politiques de rigueur et d’austérité portées par les organismes rattachés à l’État ou au patronat.