Et si l’âge pivot est provisoirement écarté comme option pour financer le retour à l’équilibre dès 2022, sur le long terme l’âge d’équilibre est bel et bien inscrit dans le projet de loi. A vrai dire âge pivot ou âge d’équilibre c’est bien la même mesure financière qui détermine un âge, au-delà de l’âge légal de 62 ans, à partir duquel se déclenchera un malus ou un bonus.
Sans la pression syndicale et la force du mouvement social il est fort à parier que le Gouvernement n’aurait pas reculer sur le retrait provisoire de l’âge pivot. Pour autant ce recul ne change pas la donne. Le retrait temporaire porte uniquement sur la date d’application 20202. Dès 2027 la mesure d’âge s’appliquera et avec elle la baisse des pensions pour celles et ceux qui ne pourront pas rester en emploi. Cette disposition figure textuellement dans le projet de loi. Avec l’âge pivot ou d’équilibre, c’est le recul de l’âge de départ à la retraite à taux plein qui est acté.
Se focaliser sur l’âge pivot c’est se détourner de la critique de l’économie générale de la réforme. Le principe de la réforme du gouvernement est de bloquer les ressources dévolues au financement des retraites au mieux à leur niveau actuel, 14% du PIB. Nous passerions d’un système à prestations définies dans lequel le taux de remplacement est garanti à un système à cotisations définies où ce sont les ressources qui sont neutralisées et les pensions qui s’ajustent à la baisse. Le décalage progressif de l’âge pivot en fonction de l’espérance de vie est une illustration de ce pilotage automatique.
Alors que nous savons qu’en 2050, le nombre de personnes de plus de 60 ans aura augmenté de près de 40%, cette réforme se traduira par un effondrement du montant des pensions, notamment pour l’encadrement. Le gouvernement ne s’en cache pas. L’abandon des 25 meilleures années pour le calcul de la retraite au profit la prise en compte de toute la carrière pénalisera particulièrement les cadres. Leur pension décrochera de leur dernier salaire.
Avec le régime de retraite actuel un jeune cadre né en 1969 qui débute avec un salaire annuel brut de 30 000 € pendant 17 ans et 76 660 € pendant 25 ans percevra 3 724 € de retraite par mois dont 1 906 € au titre de l'Agirc-Arrco après 42 années de cotisations. Dans le futur régime unique par points, le montant de la retraite de ce même cadre serait de 2 814 euros mensuels soit une perte de 910 euros par mois. Il lui restera alors la possibilité de souscrire individuellement à un produit d’épargne retraite pour compenser la baisse de sa pension.
Exclure, comme le propose le gouvernement français, les cadres sup de la répartition intégrale c’est priver notre système de retraite solidaire de leurs cotisations, soit 4 milliards d’euros chaque année. Loin d’une mesure de justice sociale, ne plus garantir aux cadres le maintien du niveau de vie au prétexte qu’ils seraient « favorisés », c’est faire entrer le loup dans la bergerie et créer un boulevard pour la capitalisation.
Le retrait de la réforme est un préalable pour que le débat sur le financement des retraites s'ouvre et que nos propositions concrètes soient enfin examinées. Pour renforcer notre système garantir le maintien du niveau de vie, il nous faut négocier une hausse proportionnée des cotisations. Cela est tout à fait envisageable. D’autant plus envisageable qu’elle s’accompagne d’une répartition plus juste des richesses par despolitiques salariales plus dynamiques, une justice fiscale et une mise à plat des mesures d’exonérations sociales.
Oui une autre réforme est possible ! et nous cadres, ingénieurs FO réformistes militants, attachés au dialogue social et à la négociation collective en sommes convaincus. Aussi nous revendiquons avec détermination et fierté notre opposition à la réforme des retraites projetée par le Gouvernement. Et dans ces instants historiques, il nous faut affirmer sans hésitation que parmi les raisons que nous avons de nous battre il n’en est pas peut être de plus profonde que la conscience où nous sommes d’être non seulement des militantslibres, mais aussi des hommes et des femmes capables de dire Non et de renoncer à accompagner une réforme quand celle-ci est profondément injuste pour tous les salariés et retraités de ce pays. C’est aussi cela le sens des responsabilités et de l’engagement.
Aussi nous appelons tous les cadres et ingénieurs à participer massivement à la journée de mobilisation du 16 janvier pour être encore plus nombreux à dire Non ! à ce projet de réforme des retraites et à en exiger son retrait pour que de véritables négociations pour une réforme plus juste et plus solidaire puissent enfin s’ouvrir.
Paris, le 14/01/2020